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Jean-Pierre GAUTIER (reforme de l'assurance maladie: ce qui va changer) mnh n°146 novembre 2004


Réforme de l'assurance maladie

Ce qui va changer pour les assurés

La loi de réforme de l'assurance maladie, telle qu'elle a été promulguée le 13 août 2004, comporte un certain nombre de dispositions qui auront un impact sur la vie quotidienne des assurés. Passage en revue des principaux changements qui vous attendent.

L'une des mesures les plus commentées, est le dossier médical personnel. Chaque patient de plus de 16 ans disposera, à compter du 1er janvier 2007, de son « dossier médical personnel » informatisé et sécurisé, et chaque médecin pourra consulter et mettre à jour le dossier de son patient via sa carte Vitale. Ce dossier sera rempli à chaque acte médical ou consultation en ville ou à l'hôpital. Il doit permettre une mise en commun des informations et un meilleur suivi des patients en évitant de répéter les examens plus que nécessaire.

Ce système est sensé mieux soigner les malades tout en allégeant la facture de la “Sécu”. Mais cette idée n'est pas nouvelle. En effet, l'idée d'utiliser l'outil informatique pour rassembler toutes les données disponibles sur un assuré, puis les mettre en réseau afin que chaque praticien puisse les consulter à tout moment, est dans l'air depuis plus de dix ans.

 

En quelques clics, toutes les informations

La mise en place de ce dossier se fera par étapes, région après région, dès le début de l'année 2005. Les avantages techniques d'un tel dispositif sont évidents. En quelques clics, un médecin pourra avoir connaissance de toutes les informations dont il a besoin. Ce qui permettra de mieux coordonner le suivi médical, de limiter les risques d'allergie et de traitements incompatibles, et bien sûr de proscrire les examens redondants.

La gestion du système coûtera entre 5 et 7 € par an et par dossier : ce qui est économiquement justifiable au regard des 3,5 milliards d'€ que les pouvoirs publics espèrent économiser chaque année.

Si le principe a séduit la plupart des acteurs de la santé publique, des réserves ont été émises sur la confidentialité. Les députés ont déployé un solide arsenal de mesures législatives pour y répondre ).

Les médecins qui utilisent déjà les fichiers partagés, dans des établissements pilotes comme la clinique Pasteur de Toulouse, insistent sur « l'extraordinaire progrès » que constituera la généralisation du dossier médical personnel.

« Nous gagnerons du temps et donc de l'efficacité, résume le Dr Christophe Santicchi, anesthésiste réanimateur à Toulouse. Si un examen n'a rien donné, au lieu de le refaire dix fois dans dix cliniques différentes, nous choisirons immédiatement une autre approche thérapeutique. C'est une grande idée, un grand projet, qui devrait enfin faire entrer notre médecine dans le XXIe siècle ».

La nouvelle carte Vitale comprenant la photo d'identité du patient, sur la carte mais aussi sur la puce électronique, sera distribuée entre 2006 et 2008.

Une autre mesure phare de ce plan est l'obligation de chaque assuré, âgé de plus de 16 ans, de choisir un médecin traitant. Il pourra s'agir soit d'un généraliste, soit d'un médecin hospitalier ou d'un médecin d'un centre de santé, soit d'un spécialiste. Le médecin traitant coordonnera les soins de son patient et sera chargé de l'adresser à un autre médecin si nécessaire. Cette mesure ne s'applique pas pour les patients engagés dans un protocole de soins, mais elle concernera également les bénéficiaires de la CMU. Un patient qui souhaite consulter de sa propre initiative un spécialiste en dehors de son médecin traitant sera pénalisé financièrement. Un certain nombre de spécialistes (dont la liste sera définie par décret) ne seront pas concernés par cette disposition.

Le contrôle des arrêts maladies va être renforcé, afin de mieux maîtriser les dépenses des indemnités journalières. Les prolongations devront être prescrites par le médecin à l'origine du premier arrêt.µ

Ce contrôle ne se fera pas uniquement vis-à-vis du patient, mais passera également par l'encadrement des pratiques des prescripteurs. Des sanctions pourront être appliquées aux assurés ainsi qu'aux médecins prescripteurs en cas d'abus.

L'évaluation individuelle des pratiques médicales devient une obligation pour les médecins libéraux et salariés, qu'ils soient hospitaliers ou non. Le manquement à cette obligation expose le professionnel de santé à des sanctions.

1 € par consultation non remboursé

A compter du 1er janvier 2005, les patients devront payer un forfait de 1 € à chaque consultation et acte médical. Cette somme ne sera pas versée en plus au professionnel de santé mais sera déduite du montant remboursé par la “Sécu”. Sur une consultation de généraliste à 20 €, l'assuré recevra donc 13 € de sa caisse primaire, au lieu de 14 € aujourd'hui. Toutes les consultations sont concernées par cette nouvelle franchise, y compris les consultations aux urgences non suivies d'hospitalisation et celles des malades en affection de longue durée (ALD), des titulaires du minimum vieillesse et des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles.

Quelques cas d'exonération sont prévus. Ils concernent les femmes enceintes, les mineurs de moins de 16 ans et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU). Ce forfait ne devra pas être pris en charge par les complémentaires si elles veulent bénéficier d'avantages sociaux et fiscaux.

Enfin, le gouvernement pose le principe d'un plafonnement annuel de cette taxe, qui sera précisé par décret et qui devrait se situer autour de 30 à 50 €.

Quant à la hausse du forfait hospitalier, sa programmation ne figure pas dans le projet de loi du gouvernement, car elle sera décidée par simple texte réglementaire. Néanmoins, les pouvoirs publics ont annoncé que ce forfait, qui est censé couvrir les frais quotidiens d'hébergement et d'entretien et qui n'est pas remboursé par l'assurance maladie, devrait augmenter de 1 € par an sur trois ans, passant de 13 € à 16 €. Il sera donc de 14 € au 1er janvier prochain.

L'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus d'activité des salariés, quant à elle, passera de 95 % à 97 % à compter du 1er janvier 2005. Le taux sera augmenté de 0,4 % pour les retraités, les chômeurs et les bénéficiaires d'une pension d'invalidité. Les députés ont également mis à contribution les revenus du patrimoine et des placements (+ 0,7 %) ainsi que les sommes misées ou gagnées dans les casinos (+ 2 %).

Une aide à la souscription pour les plus modestes

Réclamée depuis trois ans par le mouvement mutualiste pour tous les Français sous la forme d'un crédit d'impôt, la mesure prévue par la loi ne s'adresse qu'aux plus modestes.

Au 1er janvier 2005, les personnes dont les revenus ne dépassent pas de plus de 15 % le seuil de ressources de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire bénéficieront d'une aide à la souscription d'une complémentaire santé. Son montant devrait varier en fonction de l'âge : 75 € pour les moins de 25 ans, 150 € pour les personnes âgées de 25 à 59 ans et 250 € à partir de 60 ans. Cette mesure permettra à près de deux millions de personnes de bénéficier d'une aide à l'acquisition d'une complémentaire santé.

Le Parlement a intégré des dispositions pour que cette aide à la mutualisation ne bénéficie qu'aux contrats qui répondent à des exigences de responsabilité et de solidarité. Ces contrats, dits “responsables”, seront mis en place le 1er janvier 2006. Les garanties devront notamment ne pas rembourser la franchise de 1 € par consultation et ne pas compenser la baisse de remboursement qui sanctionnera les patients en cas de consultation sans passer par son médecin traitant ou de refus de présenter son dossier médical personnel.

La mise en place de divers organismes

De nouvelles responsabilités sont prévues pour l'assurance maladie obligatoire. Ainsi la création d'une Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) permettra à la “Sécu” d'exercer pleinement l'ensemble de ses nouvelles responsabilités. Cette Uncam coordonnera l'action de la Cnam (salariés), de la Canam (professions indépendantes), et de la MSA (monde agricole). Cette instance aura, entre autres, le pouvoir de décider du montant des taux de remboursement des médicaments et prestations.

Une Haute Autorité de santé « scientifique et indépendante » sera créée. Réclamée depuis 1994 par les mutualistes, elle devra éclairer tous les acteurs de santé. C'est elle qui donnera son avis sur l'utilité des traitements et des actes médicaux remboursés par la Sécurité sociale.

Une Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire sera également mise en place. Cette union regroupera des représentants des mutuelles, des institutions de prévoyance et des assurances. Elle émettra des avis sur les décisions de l'Uncam, notamment sur la fixation des taux de remboursement. Les mutuelles auront ainsi leur place à la table des négociations avec l'assurance maladie et les professionnels de santé.

 

 

Un dossier informatisé

Le dossier médical personnel ne sera pas un dossier papier comme le carnet de santé, qui a fait une apparition très discrète il y a quelques années, mais n'est pas entré véritablement dans la pratique généralisée attendue. Les données concernant la santé du patient seront centralisées dans un dossier informatique qui sera hébergé en toute sécurité auprès d'un organisme, un “hébergeur de données de santé à caractère personnel”. C'est l'assuré qui choisira son hébergeur informatique parmi ceux qui auront été agréés aux termes d'un décret, et il pourra en changer s'il n'est pas satisfait.

 

Garantir la confidentialité

Le problème de la confidentialité des données a longtemps focalisé les critiques des associations de médecins et d'assurés sociaux.

Avec l'aide de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), les députés ont apporté des réponses concrètes à ces inquiétudes. L'accès au dossier médical personnel nécessitera un code sécurisé, régulièrement mis à jour et dont l'efficacité sera périodiquement vérifiée.

Le texte adopté début juillet souligne que la mise en place du dossier devra se faire « dans le respect du secret médical » et de la vie privée du patient.

Dans cette optique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui interdit notamment l'accès du DMP aux médecins du travail, aux assurances et aux mutuelles, ainsi que lors de la souscription de tout contrat exigeant un bilan de santé.

Comme l'a souligné Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'Assurance maladie : « Le dossier médical, ce sera entre vous et votre médecin ! ». Tout manquement à ces dispositions entraînera l'application des peines prévues par l'article 226-13 du code pénal : un an d'emprisonnement et une amende de 15 000 €.

 

Jean-Pierre Gauthier MNH

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