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Docteur Jean-Etienne LAULLA - (Président de l'institut Suzanne Fouché) suzanne fouche un engagement pour la reconnaissance des personnes handicapees


Suzanne FOUCHE

UN ENGAGEMENT POUR LA RECONNAISSANCE DES PERSONNES

HANDICAPEES

 

Docteur Jean-Etienne LAULLA Président de l'Institut Suzanne FOUCHE

 

Au moment où le Président de la République met en priorité dans ses objectifs la reconnaissance des personnes handicapées et leur insertion dans la vie sociale et professionnelle, il nous a paru important de rapporter l'expérience d'une longue existence au service du monde handicapé.

C'est la vie, (1901, 1989), de Suzanne Fouché que je me propose de vous rapporter.

On pourrait peut-être résumer le handicap dans la définition que donne Suzanne FOUCHE dans son livre intitulé : « J'espérais d'un grand espoir » :

« Le but suprême est que le dommage corporel restant pour une part inéluctable n'ait plus le pouvoir de briser l'élan et d'anéantir l'espoir d'une vie épanouissante.

Il reste du pain sur la planche. Nous sommes prêts à le partager. »

La tuberculose contractée à l'âge de 17 ans est probablement responsable de l'orientation de toute son existence. Cette maladie infectieuse, sévissant sur le mode endémique, touchait toutes les populations, et plus particulièrement les jeunes, laissant lorsqu'on en guérissait des séquelles souvent très importantes, responsables de troubles locomoteurs, respiratoires et des déformations majeures modifiant la silhouette et dégradant l'esthétique. Il faudra attendre l'immédiat après guerre pour disposer du premier médicament efficace contre le bacille de Koch.

Jusque là, la pauvreté de la pharmacopée -sels de calcium, gaïacol, sels d'or…- laissait place aux mesures hygiéno-diététiques. Pour les bacilloses pulmonaires, le pneumothorax provoqué par insufflation d'air entre les deux feuillets de la plèvre, mettant le poumon au repos, facilitait assez souvent la cicatrisation permettant ainsi une stabilisation de la maladie. Lorsque ça n'était pas le cas, l'étape suivante était la thoracoplastie, grand affaissement de l'ensemble du volet costal qui amputait d'autant et définitivement la capacité respiratoire. Pour les atteintes articulaires, coxalgie, tumeur blanche du genou, mal de Pott, la guérison était obtenue par ankylose de la jointure intéressée. Ceci conduisait à une immobilisation plâtrée de 11 à 18 mois. Le repos, la suralimentation, les différents micro climats, le soleil étaient les adjuvants du traitement, sinon parfois l'essentiel. Ceci explique les très Jusque là, la pauvreté de la pharmacopée -sels de calcium, gaïacol, sels d'or…- laissait place aux mesures hygiéno-diététiques. Pour les bacilloses pulmonaires, le pneumothorax provoqué par insufflation d'air entre les deux feuillets de la plèvre, mettant le poumon au repos, facilitait assez souvent la cicatrisation permettant ainsi une stabilisation de la maladie. Lorsque ça n'était pas le cas, l'étape suivante était la thoracoplastie, grand affaissement de l'ensemble du volet costal qui amputait d'autant et définitivement la capacité respiratoire. Pour les atteintes articulaires, coxalgie, tumeur blanche du genou, mal de Pott, la guérison était obtenue par ankylose de la jointure intéressée. Ceci conduisait à une immobilisation plâtrée de 11 à 18 mois. Le repos, la suralimentation, les différents micro climats, le soleil étaient les adjuvants du traitement, sinon parfois l'essentiel. Ceci explique les très longues périodes d'hospitalisation en milieu sanatorial, d'autant prescrits que la crainte d'une contagion réelle, favorisait le désir d'isolement. C'est ainsi que tous ces jeunes tuberculeux passèrent des années en sanatorium dans l'attente d'une éventuelle guérison.

Ces établissements étaient disposés ici en bord de mer, là en montagne, ailleurs en plaine, toujours pour des raisons de micro climat ou d'ensoleillement. Ainsi Berck, baptisé à l'époque “capitale de la tuberculose ”, disposait de quelques très grands établissements où se trouvaient rassemblés des centaines de malades pour lesquels l'essentiel du traitement était la cure de repos. C'est dans ce type d'établissement, d'abord à Berck, ensuite en Egypte puis enfin en Suisse que Suzanne Fouché passa par épisodes plus de 12 ans de sa jeunesse. Les moyens intellectuels peu développés chez la plupart de ces jeunes n'ayant suivi qu'un enseignement primaire souvent très incomplet, ne permettaient aucune substitution pour utiliser le temps libre laissé par l'interdiction d'activités physiques.

Suzanne Fouché comprit très vite qu'il fallait utiliser son esprit et ses mains lorsque cela était possible. Elle obtint que les lits fussent mis en étoile pendant la durée de la cure de manière à ce que chacun puisse converser facilement tout en se voyant grâce à un système de miroirs. Des groupes se formèrent; y furent échangées connaissances et réflexions. Des études, qu'aujourd'hui on appellerait statistiques, furent réalisées sur les populations de plusieurs de ces établissements. Du questionnaire, sur des sujets divers, il ressortait que, les malades souhaitaient prioritairement, des rencontres, la visite de représentants des cultes, la création d'une bibliothèque, des animations diverses, des conférences sur des thèmes variés. Suzanne Fouché créa alors l'association catholique des malades de Berck laquelle prit en charge l'essentiel de ces désirs. Echanges, rencontres, conférences, transformèrent !'ambiance des établissements. Cette atmosphère nouvelle changeait la vie, les esprits enfin occupés par des activités et des projets oubliaient un peu leur affection. Le moral des malades étant meilleur, leur état de santé le devenait aussi.

Trois années d'expérience associative, soulignées par d'importantes réalisations, firent mûrir dans l'esprit de Suzanne Fouché un autre projet. Imaginer et prévoir la sortie, s'y préparer avec, comme objectif, la réinsertion socio-professionnelle. Elle mit alors en route, à cet effet, la ligue pour l'adaptation du diminué physique au travail. Ce fut le départ d'une nouvelle aventure à laquelle participèrent ceux qui, dans ces grands établissements, comprirent que la reconnaissance citoyenne passait obligatoirement par la réintégration dans une société active. Parmi eux, Robert Buron, en traitement pour une coxalgie. Ce grand Monsieur, plusieurs fois ministre, participa sa vie durant à l'épopée de Suzanne Fouché. Il fut toujours présent chaque fois que de nécessaire.. Tout débuta par la mise en place dans la région parisienne d'ateliers de couture, confection, reliure, bobinage, câblage etc.

 

La journée était répartie en un temps de travail et un de repos, de telle manière que l'activité de l'établissement reste constante. C'était déjà une forme de mi- temps thérapeutique avant que celui-ci soit reconnu par les lois sociales.

Après quelques années Suzanne Fouché devait montrer que les rechutes étaient moindres dans le lot des personnes ayant une activité que dans le lot de celles qui n'en avaient pas. Le retour en milieu socio-professionnel se révélait donc être thérapeutique.

La débâcle de 40 mettait un point final à cette expérience.

Suzanne Fouché se retrouvait d'abord à Toulouse puis à Valence où, grâce à des dons, elle devenait propriétaire d'un vieil établissement thermal récemment abandonné par l'armée qui l'avait occupé durant une année de guerre. Elle le rénova en l'adaptant aux besoins du moment, et créa un établissement original où de jeunes tuberculeuses allaient faire l'apprentissage de professions nouvelles. Cette approche leur permit de se réintroduire dans le milieu professionnel avec des connaissances adaptées à leurs moyens physiques.

Sous le vocable de “ POST-CURE ” Suzanne Fouché venait de prendre l'initiative d'une nouvelle expression de la formation professionnelle.

De 1941 à 1945, elle organisa cet établissement en 3 sections: employée de bureau, couture, et infirmière. Cet enseignement donna à ces jeunes personnes une reconnaissance professionnelle.

1945, c'est la Sécurité Sociale. Son volet maladie prit en charge la formation professionnelle. Suzanne Fouché, riche de son expérience de Valence, saisit cette opportunité et ouvrit, grâce à une aide financière venue de différents milieux, des établissements de rééducation professionnelle, d'abord en Normandie puis les années passant, sur toute la France. Au cours du temps, ces formations adaptèrent leurs programmes aux besoins professionnels du moment, modifiant certaines sections, en fermant quelques autres, en ouvrant souvent de nouvelles. Ces formations, dites de longue durée, trois ans, avec en première année rattrapage scolaire et pré-orientation, étaient sanctionnées par un diplôme C.F.P.A., voire C.A.P..

Dans l'immédiat après-guerre, il y eut une déferlante de poliomyélite, affection touchant tous les âges plus particulièrement les jeunes, laissant des séquelles motrices et respiratoires souvent très importantes. Suzanne Fouché ayant, au cours de ses pérégrinations sanatoriales, connu en Suisse les bienfaits des traitements par l'eau chaude, qu'aujourd'hui nous appelons hydrothérapie, sensibilisée à cette nouvelle médecine par son ami le Professeur André Grossiord de Garches, comprit l'importance et la place de la médecine physique pour le traitement des affections motrices. Elle fut une des toutes premières à ouvrir en France des établissements de réadaptation. Furent reçus très vite à Saint Cloud, son premier centre créé en banlieue parisienne, les jeunes poliomyélitiques qui ne trouvaient pas de place à Garches.

Jugeant indispensable d'offrir aux enfants, population particulièrement touchée par la poliomyélite, la même culture qu'aux autres, elle créa des centres où furent associés aux soins rééducatifs, l'appareillage, la scolarité et un suivi orthopédique approprié. Ces établissements devaient recevoir également les enfants infirmes moteurs cérébraux - affections consécutives à un accouchement difficile ou à des affections péri-natales-. Certains neurologues en pédiatrie ayant pris conscience de l'aide que pouvait apporter la médecine physique de réadaptation pour ce type d'affections, demandèrent à Suzanne Fouché d'ouvrir des sections à leur intention.

La poliomyélite, de par son atteinte désordonnée des groupes musculaires dorso lombaires, était responsable de scolioses. Le traitement, dans un premier temps, était alors la position allongée et les corsets plâtrés jusqu'en fin de croissance avec, dans le suivi, la chirurgie orthopédique par tiges de Harrington puis une longue cure de repos avant la reprise de toute activité. Plus tard, Cottrel et Dubousset proposèrent une intervention différente bien moins mutilante et sans exigence de long repos ultérieur. Avant que ne soit généralisé ce dernier type d'intervention, les jeunes passaient en établissements de longs mois voire années sur charriot plat en décubitus dorsal ou ventral, travaillant au mieux la musculature restante ou la fonction respiratoire tout en continuant de suivre une scolarité aussi proche que possible de la scolarité habituelle.

Suzanne Fouché dota chaque établissement d'enfants ou d'adolescents d'une structure scolaire souple, s'intégrant parfaitement aux exigences horaires des soins.

Parallèlement à la baisse du nombre de cas de poliomyélite, grâce à une vaccination sérieuse, croissait celui des accidentés de la route. A côté des fracas osseux que les chirurgiens savaient assez bien traiter et qui commençaient à bénéficier de la médecine physique, les progrès réalisés dans les soins cutanés et vésicaux responsables souvent de la mort des blessés médullaires, permirent de recevoir ces patients en établissements. Au même titre que les personnes atteintes de poliomyélite, ils apprenaient ainsi à utiliser au mieux leurs possibilités restantes. Ils pouvaient dès lors être orientés vers un centre de formation professionnelle ou un atelier protégé.

Suzanne Fouché ouvrit un établissement original et qui le resta très longtemps. 200 paraplégiques en fauteuil roulant y bénéficièrent du suivi médical de rééducation fonctionnelle dans une atmosphère de travail protégé à durée quotidienne modulée en fonction des possibilités physiques de chacun.

Dans les années 60, des neuro chirurgiens, ayant expérimenté la stimulation orale et tactile des traumatisés crâniens durant le coma. Ils comprirent que cette stimulation méritait être continuée par d'autres méthodes pendant l'éveil -méthodes tout-à fait superposables aux apprentissages de l'enfance-, demandèrent à Suzanne Fouché d'ouvrir des établissements à cet effet. Ce fut le début de la prise en charge des traumatisés crâniens. Suzanne Fouché compléta par des unités de travail protégé spécialement réservées à ces cas et par des centres d'accueil de jour permettant à certains jeunes, après un temps assez long, d'intégrer un C.A.T.

Suzanne Fouché, riche culturellement, diplômée assistante sociale au tout début où la profession fut reconnue, ayant par ses longs séjours en milieu sanatorial acquis beaucoup de connaissances médicales, força souvent, grâce à ses relations, la porte des médecins et des politiques pour défendre la cause des personnes handicapées. Elle prit une part importante dans la préparation des lois de 1975.

Ainsi cette jeune fille d'à peine 17 ans qui rêvait de faire médecine, bloquée par une tuberculose viscérale et ostéoarticulaire, développa sa vie durant un engagement exceptionnel, ouvrant la voie à la citoyenneté aux personnes handicapées.

Suzanne Fouché décède en 1989, après avoir presque entièrement balayé ce siècle, laissant comme héritage 40 établissements, une mémoire, un exemple et un message. La mémoire, celle d'une personne qui sa vie durant lutta contre la maladie et le pessimisme médical qui la condamnait, un exemple, celui d'un engagement au service des autres, un message, celui de tendre le plus possible vers la meilleure qualité relationnelle soigné-soignant par le respect de la dignité de ceux qui, à un moment de leur existence se trouvent infériorisés physiquement.

Ces trois points forts nous allons essayer de les conserver en créant l'Institut Suzanne Fouché, qui offre sur Paris trimestriellement à titre gracieux des conférences, met en place un diplôme d'université “ éthique et déontologie dans le cadre des pratiques” et édite deux fois l'an la revue “ Vaincre".

Docteur Jean-Etienne LAULLA Président de l'Institut Suzanne FOUCHE

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