Le principe de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) a été posé en 1987 puis conforté par la loi du 11 février 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». L'OETH a imposé aux employeurs du milieu dit « ordinaire » d'au moins 20 salariés, privés ou publics, l'emploi à temps plein ou partiel de personnes handicapées à hauteur de 6 % de leur effectif total ou, à défaut, le paiement d'une pénalité au Trésor public (AGEFIPH (Association pour la gestion des fonds de l’insertion professionnelle des personnes handicapées) et FIPHFP(Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique)).
Le travail en milieu ordinaire des personnes traumatisées crâniennes et cérébro-lésées
Jean-Michel LABORDE, administrateur AFTC IDF / Paris
Le principe de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) a été posé en 1987 puis conforté par la loi du 11 février 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». L'OETH a imposé aux employeurs du milieu dit « ordinaire » d'au moins 20 salariés, privés ou publics, l'emploi à temps plein ou partiel de personnes handicapées à hauteur de 6 % de leur effectif total ou, à défaut, le paiement d'une pénalité au Trésor public (AGEFIPH (Association pour la gestion des fonds de l’insertion professionnelle des personnes handicapées) et FIPHFP(Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique)).
DEPUIS 2005, DE GRANDS EFFORTS ont été faits par de nombreuses entreprises et administrations pour gérer les conséquences de cette obligation, en concertation avec les syndicats pour les plus grandes d'entre elles et, souvent, avec le concours des acteurs institutionnels spécialisés et de prestataires également spécialisés, tels que les réseaux Cap emploi, Comète, les UEROS notamment. L'augmentation des ratios d'emploi de travailleurs handicapés (TH) traduit des progrès quantitatifs certains de l'emploi de personnes handicapées dans le milieu ordinaire. Il demeure néanmoins de larges ombres au tableau : le taux de chômage des travailleurs handicapés atteint des sommets inégalés et c'est dans l'emploi que s'exercent principalement les discriminations en matière de handicap.
Qu'en est-il de l'accès des personnes traumatisées crâniennes et cérébro-lésées (TC-CL) au milieu ordinaire de travail et de leur devenir?
La problématique de leur emploi s'inscrit dans celle des travailleurs handicapés (TH) en général et il est difficile aujourd'hui de l'appréhender dans sa spécificité en raison de la carence d'informations statistiques ou qualitatives sur les difficultés qu'ils rencontrent dans leur recherche d'emploi, dans leur intégration et stabilisation dans l'emploi, puis dans le déroulement de leur carrière.
Elle se complique par ailleurs de la grande variété des cas : les TC en emploi, sans reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), qui découvrent longtemps après leur accident des difficultés cognitives en résultant, mais n'osent pas en faire état de peur d'entrer dans une spirale de déclassement ; TC en emploi victimes d'un accident, du travail ou non ; TC accidentés jeunes et qui, après un parcours de reconstruction « héroïque », ont pu mener à bien leur scolarité et leurs études à des niveaux divers, entre brevet professionnel et bac + 5, puis se positionnent sur le marché du travail à la recherche d'un emploi ; TC « errants » de CDD en CDD ou CDI interrompus pour « inaptitude » ; TC non identifiés comme tels, avec ou sans RQTH, qui ont réussi à trouver un emploi et à s'y maintenir, à un niveau de compétence égal ou inférieur à leur qualification...
Ainsi, puisqu'on manque d'informations chiffrées ou synthétiques, il convient de procéder de façon « qualitative », en s'appuyant sur des cas individuels et des témoignages pour savoir comment se pose le problème de l'insertion professionnelle des TC-CL en milieu ordinaire.
Spécificité de l'insertion professionnelle des TC-CL avec un accès direct à l'emploi :
Tout d'abord, il importe de se demander en quoi la problématique d'insertion professionnelle des TC se distingue de celle des TH en général et quelle est sa spécificité. Nous savons bien que les aspects « invisibles » du handicap sont au coeur de cette spécificité ! La diversité des troubles cognitifs, invisibles ou peu visibles et leur incompréhension par le collectif de travail compliquent l'intégration dans le milieu de travail.
Pour limiter les risques ou les aléas, il paraît donc indispensable, dans le cas d'un accès direct à l'emploi, de chercher à connaître d'avance les difficultés susceptibles de surgir dans le cadre de la prise de fonction, ou à l'occasion de l'accomplissement des missions du poste, ou plus positivement de rechercher la bonne adéquation entre le travailleur et le poste de travail.
C'est une évidence indispensable à rappeler, qui demande l'attention de tous, au recrutement notamment, mais aussi tout au long du parcours professionnel : préparation, réflexion, dialogue, aide externe (accompagnement), attention interne (tutorat), collaboration entre l'entreprise et le médecin du travail...
Dans la réalité que trouve-t-on ?
La personne traumatisée crânienne en recherche d'emploi a des difficultés à cibler les postes adaptés à son projet professionnel et à ses capacités effectives. Elle éprouve un manque de confiance et des hésitations à déclarer sa RQTH, par crainte d'être éliminée. De plus, il est difficile d'exprimer la réalité du handicap « invisible ». Ainsi s'accumulent des non-dits préjudiciables à terme dans l'emploi. L'absence de mesures spécifiques d'intégration ou d'un aménagement de la fonction (accessibilité cognitive) mène au stress et à l'échec par épuisement.
Dans l'entreprise, le collectif de travail méconnaît le handicap en général et plus encore le handicap « invisible », d'où un manque d'effort pour comprendre ses incidences fonctionnelles, une réduction du questionnement ou de la réflexion sur le handicap à se seuls aspects matériels — mobilité, aménagement matériel de post —, un manque de temps ou d'inté rêt pour se donner les moyens d réussir l'intégration.
Lorsque les difficultés ou les dysfonctionnements surviennent on rencontre bien souvent un rôl purement « gestionnaire » de la DRH — et de la mission handicap quand elle existe —, et des stéréo types négatifs en matière de productivité qui sont bien ancrés dan les esprits du management et du collectif de travail et contribuent à développer un climat de travail destructeur.
Entre les deux, le médecin travail — maillon incontournabIe de l'insertion professionnelle en milieu ordinaire — est le recours cas de difficulté : il se montre généralement disponible à la personne handicapée et offre son écoute avec empathie. Il peut être amené à jouer un rôle d'intermédiation avec la DRH pour rechercher les moyens de favoriser l'adéquation entre compétences du traumatisé crânien et poste de travail. L'efficacité de son intervention trouve cependant sa limite dans la souveraineté de l'employeur sur son organisation. Son intervention gagnerait à se produire plus amont, c'est-à-dire avant l'embauche ou avant l'entrée effective dans l'entreprise, pour instaurer une réflexion sur l'adéquation cognitive et contribuer à préparer l'accueil du travailleur handicapé par le collectif de travail. En situation de difficulté ou de crise, le médecin du travail n'a pas souvent d'autre issue que de prononcer « l'inaptitude au poste », solution salvatrice à court terme pour la personne handicapée en détresse mais solution de facilité pour l'entreprise, puisqu'elle aboutit la plupart du temps à se séparer du collaborateur.
Ces constats, tirés d'expériences et de témoignages réels, mériteraient d'être précisés et quantifiés pour contribuer à sortir de leur isolement les personnes TC-CL, ayant souffert ou souffrant encore de pratiques qui les démoralisent, les marginalisent, voire les excluent du milieu ordinaire de travail. Cela permettrait également d'aider à faire prendre conscience de la marge de progrès qui reste à accomplir pour réussir l'insertion professionnelle de personnes handicapées par TC-CL.
Quelques axes de progrès à mettre en œuvre :
- 1. INFORMATION, FORMATION, COMMUNICATION :
- il apparaît hautement souhaitable de faire progresser la connaissance du handicap « invisible », des implications fonctionnelles qu'il recouvre, des solutions et des méthodes qu'il convient de mettre en pratique pour réussir l'insertion dans le travail et l'environnement de travail, afin de diminuer les réserves ou les peurs qu'il suscite chez le collectif de travail et son encadrement.
- 2. ACCUEIL, BIENVEILLANCE, SOUPLESSE :
- la réussite de l'intégration de TC-CL en milieu ordinaire est fréquemment fonction du climat de travail, de l'attention portée à la prise de poste et de l'attitude du collectif de travail, l'ensemble contribuant à susciter la confiance, élément-clé de la qualité et de la productivité du travail.
- 3. ADÉQUATION CONSENSUELLE DES CAPACITÉS AU POSTE ET/OU AMÉNAGEMENT :
- la personne traumatisée crânienne devrait approfondir sa réflexion sur ses capacités réelles par rapport à ses compétences théoriques. L'employeur devrait réfléchir aux postes offerts à des personnes handicapées TC-CL après analyse fonctionnelle au regard des spécificités du handicap invisible, avec un aménagement « raisonnable » de la fonction dans les cas où cela s'avère nécessaire.
- 4. PROGRESSIVITÉ ENCADRÉE DE LA PRISE DE FONCTION :
- paliers et stabilisation quand un palier est atteint. Ce sont là des principes à mettre en oeuvre avec les personnes victimes de traumatismes crâniens. La pression et la performance de croisière seront d'autant mieux tenues que le parcours d'initiation et de formation à la fonction aura été organisé par étapes et suivi régulièrement. Mais n'est-ce pas là un mode applicable à tous ?
- 5. ACCOMPAGNEMENT EXTERNE ET TUTORAT INTERNE :
- l'insertion professionnelle à long terme sera confortée par un suivi personnalisé du TC-CL en dehors de l'entreprise et une relation privilégiée avec un tuteur dans l'entreprise.
L'OETH s'est inscrite désormais dans le milieu ordinaire de travail. Celui-ci a, dans l'ensemble, réalisé de grands progrès dans l'embauche de TH. Beaucoup reste à faire comme l'illustrent les chiffres du chômage des personnes handicapées. Certaines organisations qui satisfont les ratios d'emploi légaux, notamment de grandes entreprises, se tournent maintenant vers les aspects qualitatifs de l'emploi de TH : 6 à 8 ans après la loi de 2005, comment se passe réellement l'insertion des personnes handicapées pour l'entreprise mais aussi pour les personnes elles-mêmes ? On ne peut que se réjouir de cette attitude pour les TC-CL car, bien qu'on ne puisse pas dresser le bilan quantitatif les concernant, on a conscience que, si l'obligation d'emploi est nécessaire, elle n'est pas suffisante et qu'elle demande à être complétée par une obligation dans l'emploi. Peut-être est-ce le sens de la directive européenne d'égalité de traitement dans l'emploi de 2000, dont la loi de 2005 est la transposition française ?
Jean-Michel LABORDE, administrateur AFTC IDF / Paris
Résurgences – Revue de l’UNAFTC, numéro 50 de décembre 2014, disponible sur abonnement contact :
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