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V. Zimmermann, L. Schifano, L. Boyer, M. Thomaso, J.-M. Verbois et K. Patte (Institut Saint-Pierre) - La prescription du fauteuil roulant électrique chez l’enfant (La lettre de l'ANMSR volume 28, n°4, Trimestriel décembre 2012)


La problématique de l’enfant en situation de handicap est complexe, compte tenu de sa croissance et du potentiel évolutif éventuel de sa pathologie. Le choix d’un fauteuil roulant électrique (FRE) est une démarche longue, demandant l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire. Il dépend de multiples facteurs, qui ne sont pas uniquement liés aux multiples pathologies rendant dépendant l’enfant d’un FR. Le défi est de répondre à la fois à la demande de l’enfant et de sa famille, ainsi qu’aux besoins d’autonomie et d’installation de l’enfant dépendant.

La prescription du fauteuil roulant électrique chez l’enfant
The prescription of an electric wheelchair for children

V. Zimmermann · L. Schifano · L. Boyer · M. Thomaso · J.-M. Verbois · K. Patte
Institut Saint-Pierre

Publié dans La lettre de l'ANMSR volume 28, n°4, Trimestriel décembre 2012

©Springer2012 : avec l'amiable autorisation de l'éditeur

Résumé

La problématique de l’enfant en situation de handicap est complexe, compte tenu de sa croissance et du potentiel évolutif éventuel de sa pathologie. Le choix d’un fauteuil roulant électrique (FRE) est une démarche longue, demandant l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire. Il dépend de multiples facteurs, qui ne sont pas uniquement liés aux multiples pathologies rendant dépendant l’enfant d’un FR. Le défi est de répondre à la fois à la demande de l’enfant et de sa famille, ainsi qu’aux besoins d’autonomie et d’installation de l’enfant dépendant.

Abstract

The problems surrounding a disabled child are complex, given that they are still growing and the potential changes to their condition. Selecting an electric wheelchair (EWC) is a long process, requiring support from a multidisciplinary team. It is dependent on multiple factors, that are not just linked to the different conditions that make the child reliant on a wheel chair. The challenge is to not only respond to the requests of the child and their family, but also meet the independence and equipment needs of the dependent child.

Mots clés FRE · Enfant dépendant · Équipe pluridisciplinaire

Keywords EWC · Dependent child · Multidisciplinary team

 

Introduction

Le choix du premier fauteuil roulant électrique (FRE) est une démarche longue et complexe nécessitant des évaluations pluridisciplinaires et une synthèse avec l’enfant et sa famille pour cerner au mieux les besoins et leur adéquation aux capacités et à l’environnement (permettant ainsi de réaliser un cahier des charges).

Le FRE est indiqué pour les enfants ayant perdu la marche, ou ne l’ayant jamais acquise, pour les enfants ayant bénéficié d’un fauteuil roulant manuel (FRM) mais dont la pathologie a évolué jusqu’à aboutir à l’incapacité motrice de propulsion du FRM et/ou d’une incapacité à l’effort (pathologie cardiorespiratoire chez les myopathes), et pour les enfants marchants (marche précaire) mais non autonomes (ce qui permettra une aide en milieu scolaire, pour les déplacements extérieurs, les loisirs…) en plus de l’utilisation d’un FRM.

La prescription du FRE est complexe, devant tenir compte à la fois de son coût (le remboursement ne tenant pas toujours compte des adaptations bien qu’elles soient nécessaires, le coût moyen d’un FRE verticalisateur est évalué à 5 187 € [1]), de la croissance de l’enfant qu’il faut pouvoir anticiper, de l’évolution naturelle de la pathologie, des capacités cognitives de l’enfant pour diriger le FRE…

Cet écrit a pour objectif de bien cerner l’intérêt du FRE chez l’enfant, de ce qu’on en attend, et des difficultés à sa mise en place.

Épidémiologie

L’enquête nationale HID montre qu’en France, 360 000 personnes utilisent un FR, dont 47 000 enfants [2]. Le nombre de FR prescrit chaque année est en augmentation de 9 % par an environ. Les FRE ne représentent que 10 % des ventes annuelles de FR, le marché de la distribution de FR est en augmentation de 5 à 10 %, soit 200 FRE par an environ. [3] En 1995, il est dénombré 27 310 « accords sécu » tous fauteuils confondus, avec 8,5%de FRE dont 9% d’enfants, soit environ 208 FRE pour les enfants [4–6].

Prescription du FRE

Une consultation spécialisée de MPR permet l’optimisation de la prescription de ce grand appareillage [7], permettant ainsi de conseiller le patient, de mieux cibler ses besoins et de prescrire un outil réellement adapté qui satisfera le patient [8].

Types de fauteuils

- FRE standard ;
- FRE verticalisateur ;
- FRE multiposition ;
- FRE avec accessoires, franchissement d’obstacles (escaliers) ;
- FRE mixte avec propulsion assistée des roues.

Critères de choix et limites en fonction du fauteuil

Aucun modèle ne concilie tous les avantages. L’objectif est de répondre au maximum des exigences orthopédiques, du confort de l’enfant et du mode de vie de l’entourage. Le FRE est à la fois une aide à l’installation et à l’autonomie. En effet, comparé au FRM, l’utilisation du FRE augmente la distance parcourue (1 600 vs 1 752 m/24 h) et augmente la vitesse de déplacement (0,67 vs 0,75 m/s en moyenne) [9].

Une enquête auprès d’enfants myopathes [10,11] et IMC en FRE montre un gain d’indépendance et la possibilité de participer à des activités leur permettant une meilleure intégration sociale (par l’utilisation de fauteuils adaptés au sport comme le foot). On relève quelques accidents mineurs avec ces FRE, mais une satisfaction globale des familles.

Le fauteuil doit être adaptable à la morphologie de l’enfant, le choix se porte déjà sur la taille du fauteuil (largeur, profondeur, hauteur) ; mais aussi sur son poids (penser au chargement du fauteuil en voiture), sa maniabilité qui peut être évaluée par le questionnaire QUEST (Quebec User Evaluation of Satisfaction with Assistive Technology) et les tests directs avec le fauteuil [12], son démontage.

Le choix se porte aussi sur l’autonomie des batteries, le mode de déplacement prévu (intérieur/extérieur), l’accessibilité de l’environnement (domicile, école, IME, loisirs) [13,14].

La nécessité de verticalisation et de multipositions est à évaluer (possibilité de bascule d’assise, lift pour les transferts, de sorte à répondre aux besoins d’un jeune ayant perdu le contrôle de sa mobilité axiale), car cela permet de posturer l’enfant, de ralentir les déformations, notamment rachidiennes, d’augmenter la masse osseuse (à visée essentiellement orthopédique) et permet d’améliorer le transit intestinal. Il sera possible d’ajouter un corset, des aides techniques au positionnement comme l’appui-tête, une tablette…

Le choix esthétique du fauteuil intervient également, il ne faut pas négliger l’attente des parents, leur travail de réflexion devant cette image du handicap qui se renforce avec l’arrivée du FRE à domicile, à l’extérieur, à l’école…

Critères de choix et limites en fonction de l’enfant

Le choix du fauteuil dépendra également de l’enfant, de son mode de vie et du caractère évolutif à la fois de sa pathologie (dont il conviendra d’en freiner l’évolution et d’éviter les complications [15]), mais aussi du fait de sa croissance (réglage en hauteur, profondeur d’assise et hauteur du dossier).

Il faudra tenir compte de l’âge de l’enfant (il est exceptionnel de prescrire un FRE avant l’âge de trois ans), de sa taille, de ses capacités posturales (évaluation neuromotrice du membre supérieur par l’ergothérapeute pour l’utilisation d’un joystick par exemple, mesure des fonctions motrices globales pour évaluer la nécessité d’une aide au positionnement comme un corset, un corset-siège) et de son environnement (domicile, école, aires de jeux, jardin, sport) dans la mesure où l’enfant a besoin de jouer et d’explorer le monde qui l’entoure afin de se développer [15].

Dans un cadre plus « médical », il faudra tenir compte de l’état orthopédique, puisqu’il sera possible de rajouter de petits appareillages comme des orthèses (rétractions, ankyloses, scoliose arthrodésée ou pas, agénésies, déformations thoraciques et des membres, luxation de hanche), de l’état cutané et trophique (escarres, cicatrices), de l’état neurologique (niveau d’éveil, capacités motrices des membres et du rachis cervical, possibilités de transferts, troubles sensitifs, dystonies, spasticité) et de l’état cardiorespiratoire (présence d’une VNI, d’une aspiration). Il faudra évaluer la douleur (au repos, aux appuis, aux transferts) et le niveau cognitif pour évaluer la capacité à utiliser le fauteuil (altération du jugement, syndrome frontal, compréhension des consignes, vitesse de traitement de l’information, réflexes, désorientation), la présence d’une épilepsie (danger en cas de crise malgré la ceinture et les repose-pieds qui limitent le risque de chute [9]).

Enfin, il faudra adapter la commande aux possibilités fonctionnelles, motrices, articulaires et aux dystonies (joystick, doigtier, commande céphalique, bouche…), tenir compte des anomalies de vision (cécité partielle, hémianopsie– négligence) [13,14].

Réalisation des essais de FRE

Le certificat d’essai rédigé par le médecin MPR atteste de l’adéquation du FRE avec les capacités de l’enfant (choix du fauteuil, pertinence des accessoires), il permet de lancer les démarches de l’achat. Il sera rédigé après avoir réalisé un essai du fauteuil avec l’enfant et complété le formulaire d’essai.

L’ergothérapeute rédigera la fiche technique qui précise les réglages à effectuer, les adaptations nécessaires et utiles (synthèse vocale, contrôle de l’environnement).

Il y aura également une évaluation sociale pour les dépassements.

Pathologies concernées

Les pathologies sont nombreuses, les fauteuils sont adaptés à chaque enfant :

- PC diplégiques, dystoniques, perte progressive ou mise en place d’emblée ;
- TC non marchants ;
- blessés médullaires : paraplégiques hauts et tétraplégiques ;
- CMT, Strumpell-Lorrain et autres neuropathies familiales évolutives ;
- Friedreich, ataxie-télangiectasie et autres ataxies familiales ;
- tumeurs médullaires et cérébrales ;
- spina bifida ;
- biamputation non appareillable (origine traumatique, tumorale, vasculaire comme CIVD) ; agénésies multiples ;
- arthrogrypose ;
- Lobstein, Ehler-Danhlos ;
- myopathies (Duchenne) [16,17] ;
- amyotrophies spinales (Kugelberg-Wellander, Werdnig- Hoffmann) ;
- myasthénie de type 2 (dépendance précoce au FRE) ;
- encéphalopathies (infectieuses, auto-immunes, métaboliques, vascularites) ;
- myélopathies (infectieuses, auto-immunes, vasculaires comme le shunt-release) ;
- complications iatrogènes (chirurgie rachidienne, péridurale) ;
- arthrite chronique juvénile évoluée ;
- surcharge pondérale pathologique (Prader-Willy).

Conclusion

De multiples facteurs, liés au fauteuil et au patient, entrent en jeu dans le choix du FRE le plus adapté à l’enfant, patient en croissance. Des adaptations sont nécessaires en raison de problèmes de taille, des capacités fonctionnelles et cognitives.

De ce fait, il faut tenir compte de la complexité pour l’enfant et la famille de l’arrivée du FRE et de son image de handicap, réaliser plusieurs essais par une équipe pluridisciplinaire, avant de se lancer dans son achat, d’autant plus que compte tenu de son coût, l’espérance de vie du FRE se compte en années.

Références

1. Pelletier E (2006) Note de chiffrage des véhicules pour handicapés physiques (VHP) et des prothèses auditives à partir de l’entrepôt du SNIIR AM. CNSA 4:5–7

2. Vignier N, Ravaud JF, Winance M, et al (2008) Demographics of wheelchair users in France: results of national communitybased handicaps-incapacités-dépendance surveys. J Rehabil Med 40:231–9

3. Observatoire du marché et des prix des aides techniques (2009) Extraits de l’enquête INEUM (réalisée en 2006–2007 pour la CNSA) sur le marché français des fauteuils roulants

4. André JM, Rouyer A, de Barmon H, et al (1997) Les fauteuils roulants en France : approche épidémiologique et données chiffrées. In : Pelissier J (ed) Le fauteuil roulant problèmes en médecine de rééducation. Masson, Paris 32, pp 8–16

5. Lalliard S, Meunier B, Roux G, et al (2000) Du nouveau dans les critères d’attribution d’un fauteuil roulant électrifié. Rev Med de Ass Maladie 1:67–70

6. Bernardini R, Bouzigues B, Soler C (1997) La prescription. Aspects réglementaires de la prise en charge et perspectives. In: Pelissier (ed) Le fauteuil roulant problèmes en médecine de rééducation. Masson, Paris 32, pp 43–7

7. Goldet R, Jacquin O, Belfy J (2003) Essais de fauteuils roulants électriques : enquête prospective de pertinence à partir de la prescription d’un fauteuil roulant électrique chez 63 patients. J Readapt Med. Pratique et Formation en Médecine Physique et de Réadaptation 25:126–30

8. Bouche S, Guillon B, Raphaël JC, Ricord D (2009) Enquête de satisfaction sur le service d’aide au choix des fauteuils roulants. Fondation Garches

9. Cooper RA, Tolerico M, Kaminski BA, et al (2008) Quantifying wheelchair activity of children: a pilot study; Am J Phys Med Rehabil 87:977–83

10. Corfman TA, Cooper RA, Fitzgerald SG, Cooper R (2003) Tips and falls during electric-powered wheelchair driving: effects of seatbelt use, legrest, and driving speed. Arch Phys Med Rehabil 84:1797–802

11. Evans S, Neophytou C, de Souza L, Franck AQ (2007) Young people’s experience using electric powered indoor-outdoor wheelchair (EPIOCs): potential for enhancing users’ development. Disabil Rehabil 39:1281–94

12. Pellegrini N, Bouche S, Barbot F, et al (2010) Comparative evaluation of electric wheelchair manoeuvrability. J Rehabil Med 42:605–7

13. Guillon B, Bouche S, Bernuz B, Pradon D (2009) Fauteuils roulants : description, utilisation, critères de choix. EMC Kinésith- MPR (26-170-B-10)

14. Pelissier J, Jacquot JM, Bernard PL (1997) Le fauteuil roulant : fauteuil roulant de l’enfant IMC ou polyhandicapé, pp 213–219 et 235–240

15. Meyer A (2008) Pediatric mobility issues. Rehab Manag 21:20–3

16. De Lattre C, Barrière A (2010) Choix du fauteuil roulant électrique chez l’enfant porteur d’une dystrophie musculaire de Duchenne ; dystrophinopathies de l’enfant et de l’adulte, problèmes en médecine de rééducation, no 66, Masson, pp 85–9

17. Gélis A, Nouvel F, Fattal C, et al (2010) Le positionnement au fauteuil roulant dans la dystrophie musculaire de Duchenne ; dystrophinopathies de l’enfant et de l’adulte, problèmes en médecine de rééducation, no 66, Masson, pp 97–107

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