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Sophie Blancho : "Les traumatismes cervicaux de Type « whiplash »" (IRME N°36 de mai 2011)


Les traumatismes cervicaux de Type « whiplash »

Étude physiopathologique et clinique

 

 

Présentation d'une étude clinique de l’IRME en cours, subventionnée par la Fondation Sécurité Routière sur ce traumatisme dit «coup du lapin».

 

Les patients inclus dans l'étude menée actuellement sont suivis sur 6 mois et bénéficient d'un bilan très complet (identique en phase précoce et à 6 mois) qui comporte :

- un examen clinique et des mesures de l'amplitude du rachis cervical,

- un examen d'imagerie par résonance magnétique en flexion et extension et du tenseur de diffusion,

- un bilan neuropsychologique,

- un bilan ORL,

- des clichés radiographiques (système EOS).

 

 

En France, environ 75.000 personnes sont victimes tous les ans d'un traumatisme du rachis cervical suite à une accélération-décélération rapide de la tête occasionnée lors d'un accident de la route et fréquemment rapportée sous le nom de « whiplash».

Les traumatismes cervicaux en «coup de fouet» à la suite d'un accident de la route semblent en augmentation dans de nombreux pays. Malgré de très nombreuses études, on comprend encore très mal la chronicité de la plainte et son importance comparée à la modicité des lésions dans la plupart des accidents par choc arrière n'entraînant qu'un faible changement de vitesse.

 

 

► Des signes qui peuvent devenir chroniques :

Vingt-cinq pour cent des blessures cervicales par « whiplash » développeront en outre une pathologie chronique faite de douleurs cervico-céphaliques, de vertiges, de troubles de l'équilibre associés souvent à des problèmes d'anxiété ou dépressifs. Lors d'une étude rétrospective effectuée auprès de 300 patients ayant subi un «whiplash», Balla (1982) montrait que 97 % d'entre eux avaient toujours des maux de tête après six mois. Dans une seconde étude rétrospective portant sur 100 patients (Bella et al. 1988), plus de 80 % des patients examinés avaient toujours des maux de tête trois ans après l'accident. Des patients souffrant de cervicalgie chronique post-whiplash (en moyenne depuis cinq ans), présentaient tous, à l'examen, une augmentation des douleurs cervicales accompagnées de migraines aux moindres mouvements de la tête (Brins et al. 1991).

 

 

► Surtout chez la femme :

D'après un relevé des problèmes de cou persistant après un accident d'automobile, Pearce (1989) révéla par ailleurs que les femmes étaient plus atteintes que les hommes dans une proportion de 65 %. Pour un poids similaire de la tête chez la femme et chez l'homme (environ 5 kg), la musculature de la région cervicale chez la femme est significativement moins importante, donc moins forte à résister à une violente hyperextension de la région cervicale (Selecki 1984).

 

 

► Un diagnostic difficile :

D'après Olsnes (1989), les patients souffrant de maux de cou suite à un «whiplash» n'étaient pas plus atteints du point de vue des fonctions cérébrales supérieures que les patients souffrant de maux de cou d'origine non traumatique. Lorsque la durée des symptômes se prolongeait, il devenait de plus en plus difficile d'apposer un diagnostic précis. Dans une étude auprès de 43 patients atteints de cervicalgies chroniques et ayant des symptômes depuis en moyenne 10,8 années, Gargan et coll. (1990) n'ont pas été en mesure de trouver une corrélation entre les signes et les symptômes physiques après évaluation. Selon Hohl (1974), il y a peu de différence entre les résultats d'une évaluation effectuée après un an et celle effectuée après huit ans. La plupart des patients atteindraient, au niveau des symptômes, un plateau à la deuxième année après leur accident.

 

 

► Des traitements difficiles à adapter :

Il existe de multiples approches thérapeutiques pour le traitement des cervicalgies aigües et chroniques associées au « whiplash», une liste non exhaustive étant la suivante : le repos et l'immobilisation, la médication, la physiothérapie, les mobilisations et la thérapie manuelle, les tractions, l'acupuncture, les exercices et le renforcement musculaire... Les traitements des cervicalgies s'avèrent cependant généralement peu efficaces du fait notamment de la méconnaissance de l'étiologie des lésions.

 

 

► Un retentissement important et des troubles difficiles à objectiver :

Le coût en prescriptions médicales, en arrêts de travail est très important et les retentissements socioprofessionnels sont majeurs. Selon la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), la proportion des demandes d'indemnisation pour entorses cervicales par les victimes de la route a été en nette progression au cours des années 80. En 1978, elles constituaient 6,9% des demandes, alors qu'elles en représentaient 16,3% en 1985 et plus de 20% en 1987. Quarante et un pour cent des traitements de physiothérapie remboursés en 1992 par la SAAQ étaient prescrits pour des entorses cervicales. En Europe, le coût financier estimé pour le traitement des blessures cervicales occasionnées à la suite d'un «whiplash» se situait d'après Castro et al. (1997) entre 5 et 10 milliards de dollars par an.

 

 

► L'étude de l'IRME :

L'IRME réalise actuellement une étude coordonnée par le Pr Pierre-Paul VIDAL, directeur du CESeM (Centre d'étude de la sensorimotricité) de l'Université Paris Descartes et le Pr Michel REVEL, rhumatologue au CHU de Cochin.

L'objectif de cette étude est de tenter d'identifier de façon précoce les indices de mauvais pronostic fonctionnel des traumatismes cervicaux de type «whiplash» en clinique et imagerie et avec des tests physiopathologiques et neuropsychologiques.

Il s'agit de mettre en évidence des paramètres physiopathologiques, lésionnels ou comportementaux susceptibles d'expliquer un lien entre le traumatisme et la chronicité de la plainte des patients. Une meilleure connaissance de tels facteurs pourrait permettre de prédire la chronicité et surtout d'élaborer des stratégies de prise en charge préventive très tôt après l'accident.

Le critère de jugement est clinique : il s'agit du bon ou du mauvais pronostic fonctionnel qui sera défini sur la base de la plainte du sujet et des scores aux tests effectués. Cette classification permettra de définir les groupes de patients avec bon et mauvais pronostic et de rechercher les variables neuropsychologiques ou d'imagerie précoces (J8-J15) et tardives qui sont associées au mauvais pronostic. Leur valeur prédictive à l'échelle individuelle sera évaluée.

 

Sophie Blancho

 

 

 

 

■ NOS OBJECTIFS :

  • - Mettre au point un examen de référence qui permettrait une quantification objective des limitations et des troubles neurologiques et vestibulaires éventuels chez les patients ayant présenté un traumatisme de type whiplash.

 

  • - Identifier les facteurs pronostics d'une mauvaise évolution et de l'installation de signes chroniques permettra d'adapter la prise en charge dès la phase précoce.

 

 

■ L'analyse accidentologique :

Des accidentologues sont chargés d'analyser le véhicule accidenté du patient inclus, afin de pouvoir corréler les dispositifs de sécurité, notamment les systèmes d'appui-tête et les signes fonctionnels présentés par le patient.

 

 

■ Différencier la gravité des lésions :

 

Dès la prise en charge initiale, il faut séparer les accidents possiblement graves définis par la vitesse du choc et les dégâts des véhicules ainsi que la présence de signes cliniques de lésions, des accidents mineurs par choc arrière. Dans les premiers, tous les moyens d'imagerie doivent être mis en oeuvre dans le contexte d'une évaluation traumatologique; dans les seconds, l'urgence est d'affirmer l'absence de lésions. Dans ces situations de traumatisme mineur en coup de fouet cervical, de loin les plus fréquentes, la stratégie thérapeutique doit apparaître rassurante. Il faut alors ne pas multiplier les examens complémentaires, ne pas prescrire de collier cervical, éviter les prescriptions de repos et adopter rapidement des mesures de travail actif de la musculature cervicale. Au stade de chronicité, la prise en charge est semblable à celle de toutes rachialgies chroniques avec recours à des programmes multidisciplinaires de reconditionnement à l'effort.

Le port de collier cervical dans cette indication a suffisamment été évalué pour conclure à son inefficacité. La quasi totalité des études montre que le collier est inefficace et suggèrent même qu'il est un facteur de chronicité. Il n'y a donc aucune justification à prescrire un collier souple chez ces patients et encore moins à y recourir au stade de chronicité.

 

 

■ Une solution innovante : le système EOStm :

  • - Radiographie biplane,
  • - Faible radiation (G. Charpak, Biospace med),
  • - Position assis ou debout,
  • - Cliché de la tête aux pieds.

 

LBM (Paris, France), LIO (Montréal, Canada), Biospace Med (Paris, France),

Hôpital St Vincent de Paul (Paris, France)

 

 

■ Physiopathologie du « coup du lapin » :

 

La mesure des mobilités du rachis cervical sert à détecter des modifications dans les patterns de mouvements par rapport à une référence de mouvement mesurée sur des volontaires.

Une étude étendue de ces modifications permettra de mieux analyser l'impact des traumatismes sur le rachis cervical.

  • - Evaluation des forces isométriques en flexion/ extension et en inflexion latérale droite et gauche associée à l'étude des niveaux d'activité oscillatoire synchronisée des muscles cervicaux lors de contractions volontaires.
  • - Analyse cinématique «globale» des mobilités de la tête par rapport au thorax grâce à un système de capture du mouvement avec contrôle électromyographique.

 

 

 

Plus de la moitié des accidents de la circulation entre deux véhicules sont des chocs arrière survenant à faible allure. À l'opposé, ils ne constituent qu'une faible proportion des accidents avec dégâts matériels importants et lésions anatomiques sévères. Quatre-vingt-dix pour cent de ces accidents avec choc arrière entraînent un changement de vitesse du véhicule heurté inférieur à 25 km/heure et le plus souvent autour de 8 à 15 km/heure. Lors de l'impact, une brutale poussée antérieure du siège induit d'abord une flexion relative du cou immédiatement suivie d'une translation arrière de la tête associant un étirement du cou avec flexion du rachis cervical supérieur et brutale extension du rachis cervical inférieur. À cette phase de translation postérieure de la tête avec déformation en S du rachis cervical, succède une flexion cervicale légère, le thorax étant maintenu par la ceinture de sécurité. La présence d'un appui-tête placé en regard du centre de gravité de la tête limite la phase d'extension du cou et la rend quasi nulle dans les impacts à faible vitesse.

Tout accident ne correspondant pas à un choc arrière à petite vitesse est un problème de traumatologie potentiellement grave et ne devrait pas être inclus dans le cadre commun du traumatisme cervical indirect mineur dit « coup de fouet».

De plus, ce sont les chocs frontaux, latéraux et les accidents à vive allure en général avec contraintes multiples et accélération de la tête qui entraînent la majorité des décès et des lésions sévères cervicales.

 

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