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Jean-Claude RAPHAEL et Frédéric LOFASO, Hôpital Raymond Poincaré - Fondation Garches - LES AIDES TECHNIQUES AUX PERSONNES HANDICAPEES (LE POINT CARRE, Juin 2010, n°174)


LES AIDES TECHNIQUES AUX PERSONNES HANDICAPEES

 

Jean-Claude RAPHAEL, réanimation médicale

Frédéric LOFASO, explorations fonctionnelles

Hôpital Raymond Poincaré - Fondation Garches - 92380 GARCHES

 

jean-claude.raphael@rpc.aphp.fr

fondation-garches@handicap.org

f.lofaso@rpc.ap-hop-paris.fr

Le but des aides techniques est de limiter les conséquences des déficiences, même si, bien entendu, elles ne les font pas disparaître. Les technologies permettent l'amélioration de la qualité de vie, diminuent les conséquences sociales et environnementales, et participent donc à la réduction du handicap.

La liste des technologies est impressionnante. Elles vont de l'appareil de ventilation mécanique aux fauteuils roulants (voir plus loin), en passant par les prothèses auditives, les prothèses pour amputés, les robots, les bras articulés, etc.

Un rapport récent fait la liste des technologies disponibles ou en cours de réalisation, ainsi qu'un livre de la collection des Entretiens de Garches.

On appelle spécifiques les technologies destinées à compenser une incapacité particulière (respiration, marche, sens, etc.). A cette approche s'oppose celle des technologies pour tous (design for all), née il y a une vingtaine d'années aux Etats-Unis et reprise ensuite par le Japon et l'Europe.

Cette évolution s'explique par le nombre croissant dans le monde civilisé de personnes atteintes de diverses déficiences en raison de l'augmentation de la durée de vie, et de l'augmentation des maladies chroniques. On estime en Europe que 50 millions de personnes sont atteintes de déficiences diverses. Les conséquences pratiques de ce concept sont, par exemple, les réflexions sur l'accessibilité des lieux publics et privés, qui ne doivent pas être réservés aux personnes handicapées, la mise à disposition de services (aides à la personne pour le ménage, la toilette, l'alimentation), le fait que l'accès à Internet devient incontournable dans un but d'apprentissage, d'information, de communication et d'accès à différents services. En cas de déficience motrice ou sensorielle, des interfaces ont été développées qui, entre autres, permettent à un malvoyant de se connecter, à un handicapé moteur de se servir de différentes alternatives (bouche, yeux, tête) et de faire en sorte que les patients atteints d'une altération des fonctions cognitives puissent bénéficier d'une formation, d'un enseignement et améliorer leur communication.

Les premières prothèses respiratoires, destinées à compenser le déficit des muscles respiratoires, ont d'abord été fondées sur le principe de créer une dépression périthoracique qui provoquait une inspiration. C'est le principe du poumon d'acier qui, malgré son inconfort et son encombrement, a permis de sauver de nombreuses vies lors des grandes épidémies mondiales de poliomyélite de la première moitié du XXe siècle. Ensuite est venu le principe d'une pression positive intermittente où la pompe de l'appareil créait une pression positive, qui permettait l'insufflation. Cette génération d'appareils s'est révélée plus fiable et plus efficace que la précédente ; le matériel emblématique est l'appareil d'Engström. Le problème qui s'est ensuite posé, après les grandes épidémies de poliomyélite, a été la prise en charge de patients victimes de séquelles motrices et respiratoires. A l'époque, ces patients n'avaient d'autre possibilité que de rester hospitalisés à vie. Pour remédier à cette situation inacceptable, des associations se sont créées entre les années 1960 et 1966 à Lyon (Association lyonnaise de lutte contre les poliomyélites, ALLP) et à Paris (Association d'entraide des polios et handicapés, ADEP). Le but de ces associations a été de permettre le retour à domicile de certaines de ces victimes. Cela a été possible grâce à une négociation avec la Sécurité sociale, qui a accepté la prise en charge de l'ensemble de l'appareillage, l'association étant, elle, responsable de la fourniture de l'appareillage, de la logistique, de l'entretien et de l'éducation des patients. Ce modèle original nous a été envié par d'autres pays ; de là est né le concept de la ventilation à domicile (VAD). Le fait que les appareils de ventilation sont devenus de moins en moins volumineux, peu bruyants, beaucoup plus fiables et moins chers a évidemment contribué à la diffusion de cette ventilation à domicile.

D'autres pathologies que les séquelles de la poliomyélite ont été prises en compte : bronchite chronique obstructive, apnées du sommeil, autres pathologies neuromusculaires. Il existe actuellement 32 associations régionales, le nombre de patients pris en charge, qui était de 11 000 en 1980, est passé à 175 000 en 2000.

D'autres progrès ont été réalisés. L'interface entre le patient et la machine se faisait par des canules de trachéotomie, qui étaient souvent rigides et sources de complications. Le matériel actuel est beaucoup plus souple, moins dangereux et mieux toléré. Surtout, des techniques de ventilation non invasives se sont développées qui permettent la ventilation par un masque nasal, facial ou nasofacial. Là encore, l'amélioration des matériaux fait que ces prothèses sont mieux tolérées et mieux supportées par les patients. Tant pour les ventilateurs que pour les interfaces, on assiste actuellement à une multiplication des produits, ce qui rend ardu le choix entre tel ou tel modèle. Il serait utile de développer des méthodes objectives d'évaluation afin de faciliter le choix des utilisateurs.

Le fauteuil roulant est le symbole même du handicap moteur, puisqu'il se retrouve dans les pictogrammes indiquant des places réservées ou des locaux adaptés. Cette discrimination a suscité de nombreuses réactions. Cela dit, des progrès majeurs ont été observés en un siècle. Le fauteuil roulant mécanique pesant au début du XXe siècle une cinquantaine de kilos, ne pouvait évidemment être propulsé par le patient lui-même, son emploi était le plus souvent limité aux institutions. Actuellement, les différents modèles pèsent quelques kilos, sont démontables, ce qui permet par exemple de les placer dans une voiture ; l'esthétique, le confort ont été améliorés, les coûts diminués. Il existe des fauteuils particuliers pour les sportifs, qui sont encore plus légers et plus maniables. Sur le plan du

remboursement, il existe un consensus pour reconnaître que, depuis la loi de 2005, le taux de remboursement est acceptable. Il faut néanmoins rappeler que des accessoires supplémentaires (dossier inclinable, appuie-tête, repose-jambes) augmentent le coût du produit. II faut également insister sur les conditions de fonctionnement. Utiliser un fauteuil roulant mécanique nécessite un apprentissage (maîtrise dans les transferts, les pentes, passage d'obstacles en pratiquant le "2-roues", etc.). Différentes pathologies, scapulohumérales notamment, peuvent être induites par un maniement non contrôlé. Les premiers fauteuils roulants électriques sont apparus au milieu du XXè siècle. Dans ce domaine aussi, des progrès considérables ont été accomplis : miniaturisation des moteurs, informatisation, mise en place d'interfaces (joysticks qui permettent à un myopathe tétraplégique de conduire ce que l'on peut appeler un vrai véhicule). Pour les patients ventilés, le respirateur peut être placé sous le fauteuil, ce qui accroît leur autonomie. Certains modèles disposent d'élévateurs, de systèmes qui permettent de franchir les obstacles ou de monter les escaliers. Le coût des différents modèles varie entre 3 000 et 10 000 €, voire plus. Le remboursement est moins favorable que pour le fauteuil mécanique (3 500 €). Ces fauteuils très performants sont destinés aux personnes les plus handicapées. Mais un entraînement est indispensable, le risque d'accident étant réel. Depuis 1997, la législation impose des essais en équipe multidisciplinaire, au minimum un médecin spécialiste de médecine physique et réadaptation et un kinésithérapeute, afin d'obtenir un "permis de conduire". Le risque d'accident est encore accru en cas de déficit cognitif ou de polyhandicap.

Des recherches sont en cours pour détecter les obstacles afin d'imposer des rectifications de trajectoire, à l'exemple de certains modèles de voitures automobiles.

Une enquête faite en 1994 estime à 360 000 le nombre d'utilisateurs de fauteuils roulants mécaniques ou électriques en France. La prévalence de 62 pour 10 000 habitants est nettement inférieure à celles d'autres pays de niveau de vie comparable.

Contrairement à une idée reçue, les plus grands utilisateurs sont les femmes âgées et non pas de jeunes victimes d'accident de la voie publique.

Quoi qu'il en soit, le nombre élevé de matériels, l'impact financier qui en résulte posent le problème de l'aide au choix du fauteuil. Ce choix dépend de l'âge, de l'activité socioprofessionnelle, du nombre de comorbidités, etc. C'est la raison pour laquelle la Fondation Garches a créé il y a 20 ans un centre d'essais, très apprécié des utilisateurs. La Fondation s'intéresse également à l'évaluation de nouveaux appareils comme le fauteuil roulant monte-escalier.

En conclusion, les aides techniques ont fait des progrès considérables et peuvent améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées. Le problème actuel est d'établir une méthodologie d'évaluation de ces matériels prenant en compte l'avis de l'usager, ainsi que des normes scientifiques pour mesurer le service médical rendu. Un rapprochement des industriels, des ingénieurs, des cliniciens et des usagers est hautement souhaitable.

 

Extrait de "La Revue du Praticien" vol.59 - 20/10/2009 - 1075-1076

 

 

 

 

La Fondation Garches est une fondation d'utilité publique dont la mission est d'élaborer des services et des recherches autour du thème général «handicap". Le siège social est à l'hôpital Raymond-Poincaré. La Fondation a organisé un partenariat entre le secteur public et le secteur privé.

Parmi ses réalisations se trouve le centre d'essai des fauteuils roulants.

Dans un centre de 250 m2, 160 fauteuils mécaniques et électriques sont entreposés. Deux salariés de la Fondation, un kinésithérapeute et un ergothérapeute, assistent la personne handicapée dans le choix du fauteuil ainsi que dans le réglage des différentes annexes. Cela se fait en dehors de toute influence commerciale. Le service est gratuit, grâce au partenariat avec Valéo.

Ce service est très apprécié, puisque 600 personnes venant de toute la France sont accueillies chaque année. Il est complété par le site Internet de la Fondation (http://www.handiclap.fr/) où les principales caractéristiques des fauteuils disponibles en France sont présentées. Outre le service à la personne, ce centre a permis de mieux préciser les besoins de la personne handicapée ; il propose différentes interfaces, participe à l'évaluation des nouveaux modèles (fauteuil monte-escalier).

D'une façon plus générale, il essaie de réunir sur un même site, industriels, cliniciens et patients.

 

 

 

Le Point Carré, Juin 2010, n°174

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