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Sophie MASSIEU-GUITOUNE (Journaliste) Interview:Nathalie Roussel: "Nous avons une approche vraiment communautaire" (FAIRE FACE N°668 - OCTOBRE 2008)


Remontées : « Notre ville n'a pas attendu la loi de 2004 pour se lancer dans une politique volontaire d'accessibilité. Nous l'avons initiée dès 1999. Cette politique relève d'un vrai choix de la municipalité. » « Nous n'obligeons pas, nous recommandons. [...] Avec une manifestation, le message ne passerait pas. »

            Victoriaville, municipalité québécoise, affiche depuis près de 10 ans maintenant, une ferme volonté de développer l'accessibilité universelle, dans la plus grande concertation possible. Une pratique assez différente de ce qui se passe dans notre hexagone... Interview de Nathalie Roussel, chargée de projets au Collectif consultatif de la politique d'accessibilité universelle de Victoriaville.

 

            Faire Face : Avant d'évoquer vos réalisations concrètes et votre mode de fonctionnement, indiquez-nous ce que recouvre le terme d'accessibilité au Québec...

 

Nathalie Roussel : Nous en avons une vision très élargie. Nous l'entendons comme l'accessibilité universelle. C'est le milieu de vie où toutes les personnes auraient accès à tout. Il ne s'agit pas juste de l'accessibilité architecturale, par exemple, des personnes handicapées à un bâtiment. L'accessibilité universelle, c'est l'accès à tout, et aussi bien pour les personnes handicapées que pour celles qui sont temporairement empêchées d'accéder à quelque chose, par exemple parce qu'elles se déplacent avec une poussette.

 

            FF : Programme inépuisable... Les municipalités disposent-elles des compétences nécessaires pour y faire face ?

 

N.R. : Les municipalités déploient quatre axes d'intervention, détiennent quatre compétences en la matière. D'une ville à l'autre, ces compétences ne portent pas nécessairement le même nom, mais globalement, cela revient au même. Pour Victoriaville, il y a d'abord la concertation : il s'agit de s'assurer que tout est réalisé avec les partenaires du milieu associatif, les personnes handicapées elles-mêmes. Deuxième axe : l'accessibilité architecturale, les classiques questions d'accès aux bâtiments, à la voirie... Les programmes et activités représentent le troisième champ d'intervention : de la sécurité publique aux transports, en passant par l'emploi, le tourisme ou la culture..., rien ne doit être oublié. Enfin, il s'agit pour nous de communiquer et d'informer.

 

            FF : Et dans ce dernier domaine, Victoriaville peut, sinon donner des leçons, du moins fournir des conseils...

 

N.R. : Il est vrai que notre ville n'a pas attendu la loi de 2004 pour se lancer dans une politique volontaire d'accessibilité. Nous l'avons initiée dès 1999. Cette politique relève d'un vrai choix de la municipalité ; elle ne nous est pas imposée : c'est un peu différent de bien des municipalités voisines.

 

            FF : Que prévoit la nouvelle législation ?

 

N.R. : La loi de 2004 oblige les municipalités de plus de 15 000 habitants à faire un plan d'action annuel pour éliminer les obstacles. Certaines villes le font encore plus pour se conformer à la loi que par choix... Nous avons la chance, nous, de connaître une importante mobilisation des acteurs locaux : nous cultivons de forts partenariats, aussi bien avec les associations que les établissements publics. Nous avons matérialisé ces liens en créant, en 2000, le CCPAU, notre Comité consultatif de la politique d'accessibilité universelle. Il compte un élu, 10 associations (qui représentent les diverses déficiences). Son rôle consiste à assurer l'application et le développement de la politique d'accessibilité universelle et la mise en œuvre de son plan d'action.

 

            FF : Concrètement, comment agit-il ?

 

N.R. : Il intervient toujours sous la forme de recommandations. Ensuite, la municipalité les met en place.

 

FF : Et sur le terrain, quels sont les résultats ? Puisque Victoriaville avait pris de l'avance en terme de volonté politique, cela se traduit-il par une meilleure accessibilité aux lieux, biens et services, chez vous que dans les autres villes du Québec ?

 

N.R. : Il est toujours difficile d'établir des comparaisons qui aient un sens. Victoriaville est dans un milieu mi-rural, mi-urbain tandis que Montréal, par exemple, est totalement urbaine et bien plus grande. Il est donc difficile de dire si on fait mieux, ou moins bien, que les autres. Ça dépend des domaines. Nous n'avons, par exemple, pas de transports en commun, à la différence de notre capitale. Nous avons quelque chose d'adapté à notre plus petite échelle : des taxis-bus. Mais comme à Montréal, nous avons développé un système de transports adaptés. Pour ce qui est des trottoirs, c'est probablement plus facile d'y circuler chez nous qu'à Montréal... Logique : on en a moins ! Si, en revanche, on se compare avec des municipalités de même taille, là, oui, on peut dire qu'on est privilégiés, moins pour l'aspect purement technique que pour la façon dont on aborde les problèmes et pour la valorisation du tissu associatif. Nous avons une approche vraiment communautaire.

 

FF : Est-ce à dire qu'à la différence de ce qui se passe en France, notamment chaque année en octobre avec les campagnes de lutte contre les discriminations organisées par l'APF, on ne peut pas voir de manifestations revendicatives dans les rues de Victoriaville ?

 

N.R. : Au Québec, nous n'avons pas du tout la culture de la manifestation. Une campagne telle que celle que mène l'APF en octobre, en déposant des silhouettes de couleurs différentes selon que le bâtiment est, ou non, accessible, ne pourrait se voir chez nous. Nous n'obligeons pas, nous recommandons. Et toujours par écrit, ou lors d'une visite. Il y a néanmoins une semaine québécoise des personnes handicapées, en juin, mais il s'agit de sensibiliser, pas de revendiquer. Avec une manifestation, le message ne passerait pas : les écoutilles des décideurs se ferment, la communication se rompt ; donc mieux vaut tisser des partenariats.

 

Propos recueillis par Sophie Massieu-Guitoune

 

 

À savoir

Victoriaville compte 42 000 habitants. Elle se situe au centre du Québec et passe pour le berceau québécois du développement durable.

 

Internet

http://www.ville.victoriaville.qc.ca/ : le site de la municipalité.

 

Contact

Pour entrer en contact avec le CCPAU, envoyez un mail à ccpau@ville.victoriaville.qc.ca

 

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