Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie permet aux patients de décider de se "laisser mourir" dans le respect de la dignité, et autorise le médecin à intervenir pour les soulager.
Droits des malades et fin de vie : loi du 22 avril 2005
(Yanous.com - février 2006)
L'article 1er de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie condamne d'emblée l'acharnement thérapeutique et consacre le droit pour toute personne à mourir dignement. Elle dispose : "Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L.1110-10." (Code la Santé Publique, soins palliatifs).
Le droit de mourir dans la dignité vise, au terme de l'article 2 de la loi, à "soulager la souffrance, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause..." Ainsi cette loi concerne, comme son nom l'indique, les malades en fin de vie.
Cette décision d'arrêter les traitements est toujours soumise à un accord médical collégial. Le médecin doit, au terme de l'article 4 de la loi, "faire appel à un autre membre du corps médical" et lorsqu'il est conscient, "dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable". Cette décision du malade est grave, elle doit toujours être inscrite dans son dossier médical. En fin de vie, si le malade est conscient, le médecin devra tenir compte de sa volonté s'il demande l'arrêt des traitements; le praticien devra alors l'informer des conséquences.
Il est aussi important de savoir que la loi, dans son article 7, dispose que "toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté". Ces directives sont donc une sorte de testament de fin de vie, sans aucun formalisme, qui sont révocables à tout moment et qui ont une valeur juridique uniquement si elles sont établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne.
Par ailleurs, le malade hors d'état d'exprimer sa volonté peut aussi avoir désigné "une personne de confiance" dont l'avis "sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical". Il convient de préciser que les directives anticipées du malade prévalent sur l'avis de la personne de confiance.
Ainsi, le médecin devra prendre l'avis du corps médical et devra aussi tenir compte des directives anticipées du malade si celui-ci a exprimé sa volonté trois ans avant l'état d'inconscience; il consultera ensuite la personne de confiance, la famille ou à défaut les proches. Il est donc recommandé de rédiger ses directives anticipées sur ses droits en fin de vie afin que sa volonté dans un moment aussi essentiel s'applique, ou à défaut de désigner une personne de confiance. Le Ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille en exercice a indiqué lors de la discussion de ce texte de loi que "l'interdiction de donner la mort demeure, laisser mourir ce n'est pas donner la mort"...
Post scrpitum : Trois décrets ont été promulgués le 6 février 2006, relatifs aux directives anticipées, à la procédure collective et aux soins palliatifs prévus par la loi 2005-370 du 22 avril 2005. Pour l'essentiel, il convient de retenir, concernant la procédure collégiale, que la décision du médecin doit être prise "après concertation avec l'équipe de soins s'il elle existe et l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique ente le médecin en charge du patient et le consultant". Lorsque des directives anticipées ont été prises par le patient, elles sont établies par un document écrit, daté et signé par son auteur, portant mention de ses nom, prénom, date et lieu de naissance. Si le patient est dans l'impossibilité d'écrire et de signer lui-même le document, il peut demander l'assistance de deux témoins, dont la personne de confiance. Ces témoins indiquent leur nom et qualité, et leur attestation est jointe aux directives anticipées. La validité du document est de trois ans, renouvelable par confirmation écrite pour une nouvelle durée de trois ans. Lorsque la décision concerne un mineur ou un majeur protégé, la loi dispose que : "le médecin recueille en outre, selon les cas, l'avis des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur, hormis les situations ou l'urgence rend impossible cette consultation".
Catherine Meimon Nisembaum,
Avocate au Barreau,
Février 2006.
PS : (Mai 2024)
Il fait citer tout d’abord la loi Claeys-Leonetti n°2016-87 du 2 février 2016 "créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie", qui est venue renforcer l'accès aux soins palliatifs et à l'accompagnement de la fin de vie :
- Qui réaffirme que la nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêté (art 2) ;
- Qui crée en son article 3 la sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès (SPCJD) lorsque le patient est atteint d'une affection grave et incurable avec pronostic vital engagé à court terme et souffrance réfractaire aux traitements ou lorsqu'il y a décision d'arrêt des traitements au titre de l'obstination déraisonnable qui engage le pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable ;
- Qui consigne le caractère contraignant des directives anticipées qui s'imposent au médecin sauf urgence vitale. Si le médecin les juge manifestement inappropriées ou non conformes à la situation du médical, il doit pour refuser de les appliquer entreprendre une procédure collégiale (réunion de concertation avec l'ensemble de l'équipe qui prend soin du patient après avoir sollicité l'avis motivé d'un autre médecin, d'un autre service ou d'un autre hôpital) à l'issue de laquelle le médecin en informe la personne de confiance ou la famille. Les directives anticipées sont désormais conservées dans un registre national ;
- - renforcement du rôle de la personne de confiance : art. 9 qui crée art. L1111-6 CSP : désignation par écrit et cosignée par la personne désignée, le témoignage de la personne de confiance prévaut sur tout autre témoignage.
L’avis du Comité consultatif nationale d'éthique (CCNE) du 13 septembre 2022 en faveur d'une aide active à mourir encadrée.
Convention citoyenne sur la fin de vie sur demande d'Elisabeth Borne avec rapport déposé au gouvernement le 02 avril 2023 en faveur d'une évolution du droit vers une aide active à mourir.
Annonce par Emmanuel Macron le 10 mars 2024 qu'un projet de loi sur la fin de vie sera présenté en Conseil des ministres en avril 2024 avec la possibilité de demander une aide à mourir sous conditions pour les personnes majeures atteintes d'une maladie incurable avec un pronostic vital engagé à court ou moyen terme et subissant des douleurs réfractaires ne pouvant être soulagée. Il reviendra au patient en faisant la demande d'attendre l'avis collégial de l'équipe médicale lui délivrant ou non la prescription d'un produit létal valable 3 mois.
Monsieur Jean Leonetti, qui a donné son nom aux lois de 2005 et de 2016 sur les droits des malades en fin de vie, s’est opposé à ce projet de loi en déclarant : « Le projet qui nous est aujourd’hui présenté est le contraire d’un projet de fraternité. Le débat éthique est en effet un conflit de valeur entre la protection de la vulnérabilité, au nom de la fraternité, et le respect de l’autonomie de la personne, au nom de la liberté. On voit bien que les orientations proposées privilégient la liberté individuelle à la fraternité collective puisqu’on permet de donner la mort à des personnes vulnérables au nom de leur liberté de choix. Il rompt l’équilibre fragile entre autonomie et solidarité. »
Attendons les discussions à l’assemblée et la promulgation de la nouvelle loi.