Si la loi octroie aux parents le droit de gérer les biens et le patrimoine de leurs enfants, notamment après l'indemnisation d'un préjudice, ils peuvent toutefois être amenés à rendre des comptes : explications.
Gérer les biens d'un enfant
(Yanous.com - octobre 2016)
Les parents disposent sur les biens de leur enfant mineur d'un droit de jouissance légale. Ce droit, qui est un usufruit, appartient aux parents en leur qualité d'administrateur légal des biens de leurs enfants. Cela signifie que les parents perçoivent les revenus du patrimoine de leur enfant mineur, à charge pour eux de satisfaire à leur entretien et à leur éducation. Le père ou la mère qui a un droit de jouissance légale, dispose des droits et pouvoirs de l'usufruitier pour la gestion des biens du mineur. Il peut donc directement bénéficier de tous les loyers, fermages, bénéfices d'un fonds de commerce ou d'une société.
C'est pourquoi, l'administrateur légal qui ouvre un compte en banque au nom de l'enfant mineur et gère son compte, peut retirer seul les fonds qui y sont déposés et profiter des intérêts du capital et des primes. Cette liberté de gestion est telle, qu'il a été jugé qu'une banque n'avait pas l'obligation de se renseigner sur la destination des fonds retirés par l'administrateur légal sur le compte du mineur. Ce droit de jouissance légale a cependant des exceptions, il ne porte pas sur :
- Les biens acquis par le travail du mineur;
- Les biens donnés ou légués sous la condition expresse que les pères et mères n'en jouissent pas;
- Les biens provenant d'une succession dont le père ou la mère a été écarté comme indigne;
- Les sommes perçues par un mineur aux seules fins de réparation d'un préjudice extra patrimonial.
Ce droit de jouissance légale existe jusqu'à l'âge de 16 ans du mineur. Ainsi, le droit de jouissance légale est une prérogative de l'autorité parentale, elle ne peut donc être transférée. La jouissance légale appartient à l'exercice conjoint des deux parents, par le père ou la mère et au service de l'aide sociale à l'enfance.
Depuis la réforme du 15 novembre 2015, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2016, le parent qui exerce seul l'autorité parentale, n'a plus à solliciter le Juge pour accomplir la plupart des actes de disposition. Cette ordonnance législative met en place un régime unique d'administrateur légal qui appartient, soit aux deux parents, qui est l'autorité parentale, soit à celui qui a seul l'autorité parentale. Le parent seul n'a donc plus à demander l'accord du Juge, il peut exercer seul les actes administratifs mais également les actes de disposition, chose qu'il ne pouvait faire avant la réforme de 2015. Cependant, il existe des exceptions, les actes suivants doivent être autorisés par le Juge des tutelles
- La vente de gré à gré;
- L'apport en société d'un immeuble du mineur;
- Contracter un emprunt en son nom ou renoncer à un de ses droits.
Par ailleurs, le nouvel article 387-1 du Code Civil liste les actes soumis à l'autorisation du Juge des Tutelles :
- Conclusion d'une transaction au nom du mineur;
- Le compromis au nom du mineur;
- L'acceptation d'une succession pure et simple pour le mineur;
- L'achat ou la location d'un bien du mineur par l'administrateur légal;
- La constitution gratuite d'une sûreté au nom du mineur;
- La réalisation d'actes portant sur des valeurs mobilières, s'ils engagent le patrimoine du mineur pour le présent ou l'avenir.
Le Juge des Tutelles reste toujours compétent pour statuer sur le désaccord entre les administrateurs légaux. Les parents ne sont pas à l'abri d'un recours en cas de mauvaise gestion, le contrôle du Juge des Tutelles est a posteriori.
Dans le cadre de la réparation du dommage corporel d'un mineur, le parent qui ne justifie pas de l'emploi des fonds versés, encourt une condamnation de restitution des sommes mal administrées, et dans ce cas le Juge peut, au surplus, prononcer la déchéance du droit de jouissance des parents. Il ne faut pas omettre aussi, que le mineur devenu majeur, peut poursuivre ses parents pour mauvaise gestion ou gestion indue devant les juridictions civiles et pénales. La prescription est alors quinquennale : le mineur devenu majeur a cinq ans, à compter de sa majorité ou de son émancipation, pour intenter son action en responsabilité afin d'obtenir la condamnation des administrateurs légaux à la restitution des sommes. Ces derniers ne peuvent échapper à la condamnation que s'ils prouvent que les fonds ont bien été utilisés pour l'éducation et l'entretien du mineur et non pas notamment pour leurs besoins personnels.
Il ne faut pas omettre aussi que les administrateurs légaux ne sont pas à l'abri de sanctions pénales en cas de détournement de fonds ou de biens du mineur, ou en cas d'utilisation abusive de ses biens. Ils peuvent être poursuivis pour les délits d'abus de confiance ou d'abus de faiblesse, tous deux réprimés par une peine d'emprisonnement de trois ans et une amende de 375.000€.
On peut en conclure que :
- Avant 16 ans :
- Affectation présumée pour l'ensemble à l'entretien du mineur.
- De 16 à 18 ans :
- La perception des biens et revenus mais les parents sont comptables de l'affectation et du supplément éventuel
- A 18 ans :
- Disparition de la jouissance légale. A sa majorité, le mineur peut demander des comptes à ses parents pendant les cinq années suivant sa majorité.
Les parents ont souvent le sentiment qu'ils sont à l'abri des lois, car il s'agit de leur enfant, certes, mais la gestion des biens du mineur est légalement encadrée, et les parents ne peuvent disposer comme ils le veulent des biens de leur enfant mineur, surtout pour leur compte personnel. Il faut donc être très vigilant.
Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau de Paris, septembre 2016.
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