ALT_BANNIERE
ALT_BANNIERE

Un droit pour les proches des victimes


La loi a inscrit dans ses textes le droit à réparation pour les victimes par ricochet : conjoint, parents, enfants et autres proches des victimes. Si la Cour de Cassation interprète la loi dans un sens de plus en plus favorable aux victimes, elle renforce également le droit à indemnisation par ricochet.

Un droit pour les proches des victimes

Mnh - n°132 - 2001 - www.mnh.fr

La loi a inscrit dans ses textes le droit à réparation pour les victimes par ricochet : conjoint, parents, enfants et autres proches des victimes. Si la Cour de Cassation interprète la loi dans un sens de plus en plus favorable aux victimes, elle renforce également le droit à indemnisation par ricochet.

Beaucoup d'articles ont été écrits sur la réparation des dommages corporels des victimes, cependant, la loi permet, également, la réparation du préjudice des victimes par ricochet qui sont en général :

  • les personnes ayant un lien de parenté ou d'alliance : le conjoint, les enfants, les descendants (enfants et petits enfants), les ascendants (père, mère, grands-parents) les collatéraux et alliés (gendres, belles-filles, belles-sœurs, beaux frères).
  • A ces personnes s'ajoutent celle avec qui la victime partageait sa vie et son affection (concubin, fiancé, parents nourriciers, etc) ce qui a permis à une concubine d'obtenir réparation de son dommage (Cour de Cassation Chambre mixte arrêt du 27/02/1970) .

Ces victimes par ricochet peuvent subir des atteintes très différentes dans leurs droits :

  • en général dans les accidents ou infractions qui ont engendré un dommage corporel relativement important, les proches sont très touchés, dans la mesure où ils sont seuls à appréhender l'importance du dommage, l'importance de la douleur et surtout l'état médical de la victime et avoir une idée assez précise des graves séquelles dont elle sera atteinte.

La réparation du préjudice moral

Le préjudice moral consiste essentiellement dans le préjudice d'affection cela peut être la perte d'un être cher ou encore la douleur de voir la personne handicapée dans un état de délabrement moral et/ou physique. Il est toujours difficile d'admettre que le préjudice moral puisse être réparable pécuniairement, cependant, il n'existe pas d'autre mode de réparation.

Il convient cependant d'observer que souvent les Tribunaux refusent en matière de référé d'allouer une provision à la victime par ricochet au titre du préjudice moral et juge qu'elle devra attendre la réparation au fond, ce qui peut mettre plusieurs années dans le cas des personnes handicapées graves telles que les traumatisés crâniens dont la consolidation des blessures s'étend sur plusieurs années.

Ce fait doit être contesté, la victime par ricochet souffre, son préjudice est immédiat et non contestable, il doit être réparé immédiatement, aussi, des provisions doivent lui être allouées.

En moyenne, les indemnités consécutives à un décès qui sont allouées au titre du préjudice moral sont très variables (voir tableau). Certes, on ne peut pas quantifier exactement un préjudice moral.

Certains auteurs prétendent que l'on ne peut « commercialiser» le prix de la douleur, néanmoins admettre qu'une telle douleur soit « minimisée » n'est pas plus acceptable.

  • un conjoint : 9.147 à 18.293 € (60.000 F à 120.000 F)
  • un concubin : 4.573 à 12.196 € (30.000 F à 80.000 F)
  • un enfant : 3.049 à 21.343 € (20.000 F à 140.000 F)
  • un petit enfant : 1 524 à 4.573 € (10.000 F à 30.000 F)
  • frère/soeur: 3 049 à 7 622 € (20.000 F à 50.000 F)

La réparation du préjudice économique

Le préjudice économique est celui qui concerne les ressources de la victime, les gains manqués, les pertes de ressources, pertes d'avantages en nature, les chances de promotions etc…

Par le décès, les proches peuvent être amenés à subir une perte pécuniaire, le niveau de vie peut chuter avec la perte du de cujus. En général, cette perte s'indemnise judiciairement en capitalisant le revenu annuel et l'indéxant sur un barème de rentes indemnitaires.

Selon la Cour de Cassation il n'y a pas lieu de tenir compte des avantages successoraux et lorsqu'une mère décède et qu'elle ne travaillait pas mais qu'elle contribuait matériellement à l'entretien de son enfant, il y avait lieu à indemnisation sur la base en général du SMIC horaire pour pallier à l'entretien de son enfant.

Egalement, lorsqu'une personne handicapée est blessée au cours d'un accident de la circulation ou autres et qu'elle est hospitalisée dans un lieu éloigné du domicile, les victimes par ricochet qui lui rendent visite sont fondées à réclamer au tiers responsable le remboursement des frais divers de déplacement qu'elles ont dû supporter, (indemnités kilométriques, paiement d'autoroute,hôtel etc).

La jurisprudence estime que ces frais doivent être remboursés lorsque ces visites ont un intérêt thérapeutique pour la victime.

Quant aux frais d'obsèques, ils comprennent les frais de sépulture, d'inhumation, de cérémonie civile ou religieuse et sont dus à la victime par ricochet.

Ceux-ci peuvent être soit des proches de la victime et comme tel ils bénéficient à la fois du « préjudice par ricochet » que nous venons de voir et/ou un parent éloigné voire un héritier testamentaire. Dans l'un comme dans l'autre cas, ils peuvent prétendre, également, en leur seule qualité d'héritier du défunt, à la réparation de son préjudice .

Le droit à réparation des héritiers 

Il convient de ne pas perdre de vue qu'en cas de décès, les proches bénéficient par cumul de deux actions en réparation de leur préjudice, celle tirée du préjudice par ricochet et celle qui prend sa source en leur qualité d'héritier.

En conclusions, les victimes par ricochet bénéficient d'un droit à réparation.

Bien qu'établi, il est seulement regrettable qu'au niveau de la charge de la preuve, celles-ci soient contraintes de prouver devant les tribunaux l'évidence de leurs liens d'affection, leur souffrance, et que les montants qu'elles obtiennent sont souvent très faibles, au regard de leur vie brisée.

Pour la victime, le handicap est parfois difficilement apprécié, tandis que les proches souffrent de voir la vie de la victime et la leur brisées.

Or, cette souffrance que l'on appelle en droit la réparation du droit moral est hélas mal indemnisé; peut-être parce que mal comprise, difficile à évaluer, la douleur n'est pas mesurable. Elle peut, tout au plus, être qualifiée.

L'atteinte morale ou matérielle

Les victimes par ricochet, sont contraintes souvent d'effectuer plusieurs kilomètres pour rendre visite à la personne handicapée hospitalisée ou hébergée loin de leur domicile. Cette situation entraîne des frais importants tels qu'indemnités kilométriques, frais autoroutiers, frais d'hébergement, de restauration etc …Sans compter les pertes de salaires ou autres avantages pécuniaires et les frais d'obsèques.

Ainsi, peuvent être réparés les préjudices moraux et matériels consécutifs au décès d'une victime, mais également les conséquences de la survie de celle-ci dans des conditions difficiles.

On comprend par exemple que les parents d'un enfant puissent être indemnisés des préjudices moraux et économiques que peut leur causer le décès de leur enfant. Que de même, ces parents pourraient en cas de survie de leur enfant dans des conditions difficiles, obtenir, également, la réparation des préjudices de toutes sortes générés par l'handicap.

La loi du 5 juillet 1985

La loi n°85-677 du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration des victimes d'accidents de la circulation dite loi BADINTER dispose en son article 6 que les préjudices subis par «un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident » sont des victimes par ricochet, et doit tenir compte de la «limitation ou exclusion » qui est applicable aux victimes eux-mêmes.

Ainsi, si une victime a commis une faute qui par exemple limitera son droit à réparation de 1/3, les victimes par ricochet verront, également, leur indemnisation limitée à 1/3.

Cependant, la loi dispose également en son article 3 que les victimes âgées de moins de «16 ans ou de plus de 70 ans ou bien quel que soit son âge, elles sont titulaires au moment de l'accident d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 p100… », ne peuvent se voir opposer leurs fautes mêmes inexcusables, dans ce cas, les victimes par ricochet bénéficient également de cette exonération.

Que de même, en application des articles 706-3 à 706-15 et R 50-1 à R 50-28 du Code de Procédure Pénale qui régissent la C.I.V.I (Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions), le droit à réparation des victimes par ricochet est également admis.

Ce droit à réparation concerne les victimes par ricochet d'accident de la circulation, d'infraction, et d'erreur médicale.

Les dispositions judiciaires

La Cour de Cassation interprète la loi, dans un sens de plus en plus favorable aux victimes. Elle a jugé depuis plusieurs années que :

  • « le préjudice subi par les tiers du fait de dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation doit être réparé sans autres exclusions que celles qui auraient pu être opposées à cette victime »

Cependant, cette même Cour vient de rendre un arrêt le 13 juillet 2000 qui renforce encore plus le droit à indemnisation des victimes par ricochet .

Le cas d'espèce est le suivant : un conducteur perd le contrôle de son véhicule, un accident important en découle : les 4 personnes transportées sont tuées, dont ses parents. Il assigne la compagnie d'Assurances du véhicule pour obtenir la réparation de son préjudice moral résultant du décès de ses parents et des frais d'obsèques des quatre victimes. La Cour de Cassation lui donne gain de cause, car il était, certes, conducteur donc auteur des dommages, néanmoins, il avait également la qualité de victime par ricochet des personnes transportées.

En l'espèce, il ne pouvait être reproché aucune faute aux victimes transportées limitant leurs droits à réparation, ainsi la faute du conducteur ne pouvait être retenue pour limiter son droit en sa qualité de victime par ricochet.

La Cour de Cassation a une vision moderne du droit de la responsabilité, elle interprète dans un sens large la loi, afin d'en faire bénéficier le plus grand nombre de victimes. Cependant, le montant des indemnisations échappant à son contrôle (la Cour de Cassation dit le droit et non le fait) elles sont nettement insuffisantes.

Me Catherine MEIMON NISENBAUM
Avocat à la Cour d'Appel de PARIS
2001

Retour