ALT_BANNIERE
ALT_BANNIERE

La CRCI n'est pas une juridiction - Avis d'avril 2009 de la CRCI de LORRAINE


La victime d'un accident médical se retrouve ballottée au gré des décisions de la CRCI qui est censée déterminer son droit à indemnisation, d'abord reconnu puis rejeté.

La CRCI n'est pas une juridiction.

(Yanous.com -novembre 2009)

La victime d'un accident médical se retrouve ballottée au gré des décisions de la commission censée déterminer son droit à indemnisation, d'abord reconnu puis rejeté

En mai 2006, un homme âgé de 53 ans a été opéré dans un centre hospitalier français pour un anévrisme de l'aorte et a présenté, 13 jours après l'intervention, des troubles neurologiques graves. Son épouse, en sa qualité de tutrice, saisissait - sans l'assistance d'un avocat - la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Lorraine pour obtenir réparation du préjudice corporel de son époux.

La gravité du dommage corporel n'était pas contestable, mais il fallait au préalable établir qu'il s'agissait d'un accident médical qui devait être pris en charge par la solidarité nationale. La CRCI de Lorraine désignait deux médecins experts près la Cour d'appel de Dijon, l'un cardiologue, l'autre neurologue. Le collège d'experts déposait en avril 2008 son rapport et retenait l'existence d'un aléa thérapeutique permettant ainsi la prise en charge de cet accident par la solidarité nationale. Les experts médicaux retenaient notamment un taux d'IPP de 95 % et décrivaient des besoins en tierce personne à raison de 24 heures sur 24, besoins particulièrement lourds concernant notamment l'aide pour se lever, se coucher, se laver, s'alimenter, les transferts, l'incontinence, l'incapacité à toute vie relationnelle, etc.

Cette affaire, suite au dépôt du rapport, revenait pour avis devant la CRCI de Lorraine qui, pour des raisons ignorées et contestables, ordonnait une contre-expertise et désignait un nouveau collège d'experts, du ressort de la Cour d'appel de Versailles et de Paris, à nouveau un neurologue et un cardiologue. Lors du déroulement de cette nouvelle expertise, la victime n'était toujours pas assistée, ni par un avocat ni par un médecin, car elle n'avait pas compris l'importance de cette contre-expertise. En décembre 2008, ce nouveau collège d'experts déposait un nouveau rapport, contraire à l'avis du premier collège d'experts. Pour eux, il n'existait indubitablement pas de faute à l'encontre du médecin et du centre hospitalier, et surtout aucun aléa thérapeutique ne pouvait être retenu. Les experts concluaient: "ces accidents constituent une application fréquente dans les suites de la chirurgie cardiaque et particulièrement dans la chirurgie de l'aorte".

En avril 2009, la CRCI de Lorraine rendait alors un avis de rejet et entérinait le second rapport d'expertise en excluant aussi l'aléa thérapeutique. La victime ne serait donc pas indemnisée par la solidarité nationale ni par quiconque. Revenons tout d'abord sur les CRCI mises en place par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, pour faciliter le règlement amiable des litiges concernant les accidents médicaux, les affections iatrogènes et les infections nosocomiales. Il convient de rappeler que les CRCI ne sont pas des juridictions, mais des commissions qui obéissent à leurs propres règles. Elles sont constituées de 20 membres élus pour trois ans, à savoir : 6 usagers du système de santé, 3 professionnels de santé, 3 professionnels d'établissements de santé, 2 membres de l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM), 2 professionnels du secteur de l'assurance de responsabilité civile médicale, 4 personnalités qualifiées dans le domaine de la réparation des préjudices corporels.

Force est de constater que dans ces commissions, les victimes sont représentées minoritairement, et surtout, l'organisme qui règle les dommages corporels, à savoir l'ONIAM (Office national d'indemnisation des accidents médicaux), ou l'assureur, y siège avec droit de vote, ce qui est anormal. A l'évidence on ne peut être juge et partie. La victime mal informée croit saisir une "juridiction" dont la procédure est simple : il lui suffit de déposer un dossier pour obtenir une indemnisation "équitable". Il est vrai que ce mode de règlement est attrayant, car l'expertise médicale y est gratuite. Cependant, ces commissions ne garantissent pas les droits des victimes tant par leur mode de représentation que par leur mode de fonctionnement. Elles ne sont pas des juridictions et le montant des indemnisations allouées est nettement inférieur aux juridictions de l'ordre judiciaire.

Dans le cas d'espèce, quatre experts judiciaires ont donné un avis diamétralement opposé. La CRCI de Lorraine a, sans aucune motivation, rejeté purement et simplement la première expertise pour retenir la deuxième, écartant l'intervention de la solidarité nationale pour la prise en charge de cet accident gravissime. Il faut rappeler ici que la victime n'était pas assistée d'un avocat, pas même d'un médecin! Elle ignorait tout et a cru en ce mode de règlement des litiges. La CRCI de Lorraine n'a même pas cru bon de désigner un troisième collège d'experts pour départager les deux premiers.

Pourquoi, la CRCI de Lorraine a-t-elle pu rendre un tel avis de rejet, et sur quels fondements? Pourquoi, cette commission a-t-elle fait désigner sans justification deux collèges d'experts, pour in fine, retenir les conclusions d'un rapport d'expertise plutôt que celles de l'autre? La CRCI n'est pas une juridiction : son manque de transparence, de règles, d'absence de motivation, de représentation, l'absence d'assistance de la victime par un avocat, et le montant de ses indemnisations sont des plus contestables. Cette affaire devra être portée devant les Tribunaux.

Catherine Meimon Nisenbaum,
Nicolas Meimon Nisenbaum,
Avocat au Barreau,
Novembre 2009.

Retour