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Reforme de l'irresponsabilité pénale - loi du 25 février 2008


Une nouvelle législation contestable relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour trouble mental est mise en oeuvre.

Reforme de l'irresponsabilité pénale - loi du 25 février 2008

(Yanous.com - mai 2008)

Le Ministre de la justice et Garde des Sceaux, Madame Rachida Dati, avait annoncé la nécessité de mettre en oeuvre un "projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Il vise, d'une part, à instituer des mesures de sûreté contre les auteurs de crimes contre les enfants. Nous allons créer des centres fermés, sous la tutelle des ministères de la justice et de la santé. D'autre part, nous réformerons le traitement judiciaire des personnes déclarées irresponsables pénalement. Il y aura désormais une audience devant la chambre de l'instruction. Elle sera publique si les victimes le souhaitent. La procédure ne s'achèvera plus par un non-lieu mais par une déclaration d'irresponsabilité pénale". Cette loi, adoptée le 25 février 2008 par le Parlement, comprend :

  • D'une part, le placement en rétention de sécurité, qui permet de placer une personne dans un centre socio-médico-judiciaire fermé, avec prise en charge médicale et sociale permanente, ledit placement devant être prévu par une commission multidisciplinaire des mesures de sûreté, et la décision de placement étant prise par une juridiction régionale;
  • D'autre part, la modification de la procédure de déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental, ce afin de mieux assurer la reconnaissance de la douleur de la victime, par l'instauration notamment d'une audience de l'instruction publique et contradictoire.

Il convient d'indiquer que la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté doit procéder à l'évaluation de la dangerosité du condamné. Cette commission composée de huit membres devra rendre un avis motivé proposant la rétention de sûreté.

Par ailleurs, des enquêtes réalisées par les services de la Chancellerie avaient établi que les victimes considéraient que leur douleur n'était pas assez reconnue lors des procès, lorsque l'auteur des faits était reconnu coupable et déclaré pénalement irresponsable, ce qui aboutissait à une ordonnance de non-lieu. Ces enquêtes ont montré que les victimes ont besoin psychologiquement de savoir ce qui s'est effectivement passé pour leur permettre de faire leur travail de deuil. Pour cette raison, cette loi a créé une audience instaurant une procédure publique et contradictoire, qui permettra à la victime de savoir ce qui s'est réellement passé, d'en débattre, d'entendre les témoins, les experts, les parties, les avocats, le Ministère public. La loi stipule que dans le cadre de la chambre d'instruction : "son président ordonne, soit d'office, soit à la demande de la partie civile, du ministère public ou de la personne mise en examen, la comparution personnelle de cette dernière si son état le permet".

La loi énumère une liste de mesures qui peuvent être prises par la juridiction pénale à l'occasion d'une déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental. La mesure de sûreté ne saurait dépasser 20 ans en matière criminelle et 10 ans en matière correctionnelle.

Le décret du 16 avril 2008, relatif notamment aux décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, est une des premières dispositions réglementaires de cette loi du 25 février 2008. Il stipule que, devant le juge d'instruction et la chambre d'instruction, lorsqu'une personne (mise en examen ou sous détention provisoire) est atteinte d'un trouble mental qui "nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public", le procureur de la République doit en informer le préfet, dès lors qu'une ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental doit être prise.

Lorsqu'une personne est hospitalisée d'office et que la chambre d'instruction est saisie au moment du règlement de la procédure, le Président de la chambre d'instruction doit obtenir un certificat médical circonstancié portant sur la possibilité ou non de comparution de l'intéressé à l'audience.

C'est le procureur de la République, ou le procureur Général, qui avise le service du casier judiciaire national automatisé des jugements et arrêtés de déclaration d'irresponsabilité pénale. Ces dispositions sont immédiatement applicables aux procédures en cours.

On peut comprendre que, pour la victime, le travail de deuil soit essentiel et qu'il passe par la mise en place d'une audience publique et contradictoire. Mais quel est l'intérêt d'une telle audience, lorsque le mis en examen est atteint de trouble mental et qu'il ne comprend ni l'acte qu'il a accompli ni le procès qui se déroule devant lui ? Certes, la loi dispose que la comparution personnelle de la personne atteinte de trouble mental n'est possible que "si son état le permet"; toutefois, cette précision est bien vague. On ne doit pas oublier que la personne qui est atteinte d'un trouble mental est une personne malade.

Le décret du 16 avril 2008, dans son article codifié D 47-27, définit le trouble mental comme "ce qui nécessite des soins et compromet la sécurité des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public". Il s'agit donc de personnes gravement handicapées et qui n'ont pas leur libre arbitre, puisqu'une ordonnance d'irresponsabilité pénale doit être prononcée. Est-il besoin dès lors qu'elles se présentent à une audience publique et contradictoire à laquelle elles ne comprennent rien ? Une telle exhibition est-elle vraiment nécessaire ?

Dans une affaire récente, un homme traumatisé crânien grave conséquemment à un accident de la circulation, avait agressé son voisin. Il fut présenté devant le Tribunal Correctionnel de Bobigny. Il ne comprenait pas les questions que lui posait le Tribunal, il n'avait pas conscience qu'il était devant un Tribunal, il regardait désespérément son avocat, il était perdu, il avait peur, il était malade ! Pourtant, l'audience se déroula, la victime fut entendue, les avocats plaidèrent, le ministère public prit ses réquisitions. Cette personne n'avait pas son libre arbitre : l'expert judiciaire désigné par la juridiction civile avait reconnu un taux d'incapacité de 80 % et des besoins en tierce personne de 24 heures sur 24. Sa présence était illusoire, l'audience était pour elle irréelle et traumatisante.

On peut difficilement admettre qu'une personne traumatisée crânienne grave, par exemple, puisse être assimilée en partie à un délinquant, dès lors qu'elle participe, assistée de son avocat, à une audience publique et contradictoire, alors qu'elle ne comprend pas la portée de ses actes et qu'elle n'en a souvent aucun souvenir. Néanmoins, par l'application de la loi du 26 février 2008, elle doit participer à cette audience traumatisante et, pour elle, dénuée de sens.

Aussi devrait-on la considérer comme une personne malade, qui a commis un acte délictueux, qui doit être protégée et soignée, et ne pas la faire participer à une audience vidée de toute substance à seule fin de permettre à la victime, prétend-on, de faire son travail de deuil en présence d'une personne gravement handicapée et vulnérable.

Catherine Meimon Nisenbaum,
Avocate au Barreau,
Mai 2008.

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