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Accessibilité : un décret, deux arrêtés - décret 2006-555 du 17 mai 2006 et arrêtés du 17 mai 2006


Les premiers textes réglementaires relatifs aux établissements et installations recevant du public, ainsi qu'aux habitations sont parus. Points forts et lacunes.

Accessibilité : un décret, deux arrêtés - décret 2006-555 du 17 mai 2006 et arrêtés du 17 mai 2006

(Yanous.com - Juillet 2006)

La loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, prévoit que le gouvernement organise tous les trois ans, à compter du 1er janvier 2006, une conférence nationale du handicap, à laquelle il convie notamment les associations représentatives des personnes handicapées, qui doit établir un rapport pouvant être débattu à l'Assemblée Nationale et au Sénat. Mais surtout, la loi du 11 février 2005 a défini très largement la notion de handicap en visant "les fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant" et a notamment légiféré sur l'accessibilité du cadre bâti et des transports.

Mais attention, d'un part cette réglementation ne concerne pas l'habitation existante (à l'exception des gros travaux) mais les habitations collectives ainsi que leurs abords et les habitations individuelles (vente et location) ainsi que leurs abords. Elle concerne d'autre part les établissements recevant du public et des installations ouvertes au public qui doivent être accessibles à tous dans un délai de 10 ans à compter de la publication de la loi. La loi prévoit des dérogations qui peuvent êtres accordées par le Préfet lorsqu'il existe une "impossibilité technique", une contrainte "liée à la préservation du patrimoine architectural" ou une "disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences". Aucun organisme ou institution ne contrôle le bien-fondé de la décision du Préfet, qui est souverain en la matière (il convient cependant de solliciter l'avis obligatoire de la CCDSA ou de la CDS). La loi instaure néanmoins des sanctions aggravées pour infraction à ses dispositions, et notamment une amende de 45.000 €, ainsi qu'en cas de récidive une peine de six mois d'emprisonnement et 75.000 € d'amende.

La partie réglementaire prévue par la loi vient d'être partiellement publiée, à savoir :

  • Le décret 2006-555 du 17 mai 2006, relatif à l'accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d'habitation et modifiant le code de la construction et de l'habitation.
  • Deux arrêtés en date du 17 mai 2006 :
    • l'un sur les caractéristiques techniques relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées lors de la construction et de l'aménagement des bâtiments d'habitation, l'autre portant sur la construction ou la création d'établissements recevant du public ou d'installations ouvertes au public.

Il est intéressant de relever que ces textes retiennent une notion large de l'accessibilité : une fois encore, il est rappelé, conformément à la loi, que l'accessibilité concerne toute personne handicapée, ayant notamment une déficience visuelle, auditive, motrice, cognitive, mentale et "quel que soit le handicap". Pour les cheminements extérieurs, il est retenu "la continuité de la chaîne du déplacement" donc une accessibilité qui doit être réalisée en plusieurs lieux et en plusieurs points, de l'entrée du bâtiment aux autres bâtiments, pour un usager handicapé et aussi pour un visiteur handicapé. Les verbes employés définissent largement la notion d'autonomie, de déplacement et de compréhension tels que : s'orienter, atteindre, accéder, utiliser, circuler, communiquer, comprendre, repérer... Les mots employés pour définir l'accessibilité sont aussi essentiels, le déplacement doit se faire "aisément" et "sans danger" et encore "avec la plus grande autonomie possible".

Il est certain que pour les bâtiments d'habitation collectifs, on peut regretter que le décret dispose en son article R 111-18-2.2 : "Les logements situés au rez-de-chaussée, en étages desservis par un ascenseur [doivent] offrir dès leur construction des caractéristiques minimales [...] la cuisine ou une partie du studio aménagée en cuisine, le séjour, une chambre ou une partie du studio aménagée en chambre, un cabinet d'aisances et une salle d'eau".

C'est donc une définition du cadre de vie a mimima qui est retenue pour les habitations collectives accessibles. Que feront les personnes handicapées qui vivent en famille : elles vivront alors dans un appartement qui pourra légalement n'être adapté qu'en partie ! Pourquoi avoir introduit cette limitation qui créé deux territoires à l'intérieur d'un même logement et ne correspond ni à l'esprit de la loi, ni à l'attente des personnes en situation de handicap ? Un appartement familial ne comprend pas qu'une cuisine, un séjour, une chambre, un cabinet d'aisances et une salle d'eau. Que faire des chambres et autres pièces dans lesquelles la personne handicapée ne pourra pas accéder ?

Ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2007 aux permis de construire, avec deux exceptions :

  1. Dans les logements faisant l'objet d'un permis de construire déposé à compter du 1er janvier 2008, au moins un accès depuis "une pièce de vie à tout balcon, terrasse ou loggia […] doit être conçu de manière telle que le seuil et les portes permettent, par des aménagements simples, le passage d'une personne en fauteuil roulant."
  2. Dans les logements faisant l'objet d'un permis de construire déposé à compter du 1er janvier 2010, "une salle d'eau doit être conçue et équipée de manière à permettre, par des aménagements simples, l'installation ultérieure d'une douche accessible à une personne handicapée".

L'ensemble de ces dispositions et des dates de mise en oeuvre s'applique aux maisons individuelles construites pour être louées ou vendues. Celles qui sont construites pour leur propriétaire et son usage propre dérogent à cette réglementation. Cette dérogation créera une difficulté juridique à retardement, lors de la cession de ladite maison du vivant du propriétaire occupant ou après sa mort : le vendeur sera-t-il obligé de réaliser une mise en accessibilité avant de réaliser la transaction ? La loi ne traite pas ce cas de figure.

Par ailleurs, il faut retenir que les places de stationnement adaptées doivent être à l'usage des occupants et également des visiteurs. Bien entendu, doivent être notamment accessibles les parties communes, les revêtements de sol, les portes, les sas, les équipements intérieurs et extérieurs, celliers, caves. Les bâtiments ouverts au public doivent comporter des places de stationnement adaptées, les circulations doivent être accessibles, les escaliers doivent être utilisés en toute sécurité par les personnes handicapées, tous les ascenseurs doivent être empruntables par les personnes handicapées. Un ascenseur est obligatoire au-delà d'une capacité d'accueil de 50 personnes, ou si l'activité ne peut être réalisée en rez-de-chaussée (seuil porté à 100 personnes pour les établissements d'enseignement). Dans chaque étage ouvert au public, il doit exister au moins un cabinet d'aisances aménagé pour les personnes circulant en fauteuil roulant, et un lavabo accessible (ainsi que ses accessoires). Les cabines d'essayages doivent être aménagées "et accessibles par un cheminement praticable"; il en est de même pour les douches. Les locaux d'hébergement "doivent comporter des chambres aménagées et accessibles" avec salles de bains aménagées ou, à défaut, une salle de bains aménagée à l'étage; il en est de même pour le cabinet d'aisances.

Diverses catégories d'établissements et installations recevant du public feront l'objet, du fait de leur caractère spécifique, d'arrêtés pris par les ministères dont ils dépendent : enceintes sportives et établissements de plein air, établissements conçus en vue d'offrir au public une prestation visuelle ou sonore (théâtres, cinémas, etc.), établissements pénitentiaires, établissements militaires, centres de rétention administrative et locaux de garde-à-vue, chapiteaux, tentes et structures, gonflables ou non, hôtels-restaurants d'altitude et refuges de montagne, établissements flottants.

Il appartient aux personnes en situation de handicap et aux associations de veiller à ce qu'il ne soit fait application qu'à bon escient et avec rigueur des exceptions prévues dans les textes, et d'éviter que le principe ne devienne l'exception. Il faudra attendre les quatre arrêtés techniques à venir pour apprécier les moyens techniques qui sont proposés pour le respect de la mise en oeuvre de l'accessibilité des personnes en situation de handicap, dans une pleine et entière autonomie, qui ne peut se limiter aux "caractéristiques minimales" prévues par le décret pour les logements collectifs.

Catherine Meimon Nisembaum,
Avocate au Barreau,
Juin 2006

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