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La tierce personne : de l'expertise à l'indemnisation


A la suite d'un accident corporel ou d'une infraction, la personne handicapée, enfant ou adulte, a besoin le plus souvent, de l'intervention d'une tierce personne. Ce poste de préjudice est essentiel pour la réparation du dommage corporel grave, car le besoin en tierce personne est dans ce domaine plus présent, notamment pour les traumatisés médullaires, les traumatisés crâniens, les amputés et les brûlés.

La tierce personne : de l'expertise à l'indemnisation

(3r la lettre n°76 septembre 2005 - www.anmsr.asso.fr)

A la suite d'un accident corporel ou d'une infraction, la personne handicapée, enfant ou adulte, a besoin le plus souvent, de l'intervention d'une tierce personne.

La victime concernée peut-être celle : d'un accident de la route, du travail, domestique, sportif, médical, etc… Dans la majorité des cas, c'est une compagnie d'assurances ou le FONDS DE GARANTIE qui effectue ce paiement, soit après accord amiable, soit dans le cadre d'un procès.

Ce poste de préjudice est essentiel pour la réparation du dommage corporel grave, car le besoin en tierce personne est dans ce domaine plus présent, notamment pour les traumatisés médullaires, les traumatisés crâniens, les amputés et les brûlés.

La Cour de Cassation affirme, sans cesse, le droit à la réparation intégrale des victimes d'un dommage corporel. Cependant, pour aboutir à cette réparation encore faut-il réunir tous les éléments, à savoir : une bonne évaluation lors de l'expertise médicale et une bonne évaluation judiciaire du dommage.

Dans le cadre du dommage corporel, il existe de nombreux chefs de préjudice qui sont indemnisés, mais l'essentiel pour les victimes d'un dommage d'une certaine importance, voire d'importance, c'est indiscutablement, celui de la tierce personne. Cette indemnisation est essentielle. Elle permet, aux traumatisés crâniens, aux traumatisés médullaires, aux amputés, aux brûlés notamment, d'assurer non seulement les besoins de leur vie quotidienne, mais également, leur sécurité et leur dignité.

Il y a dans la procédure d'indemnisation amiable ou judiciaire, au titre de la tierce personne, deux phases majeures:

  • la première, est celle de l'examen médical de la victime par le médecin expert.
  • la seconde, est celle des débats devant le Juge en fixation du montant de l'indemnité.

L'expertise médicale

En premier lieu, il faut évaluer les besoins en tierce personne et pour cela mettre en place l'expertise médicale, car c'est le médecin qui appréciera ces besoins en termes de qualification et de durée. Ce médecin peut être désigné amiablement par les parties ou judiciairement par le Tribunal. Cependant, il est préférable pour une victime qui a besoin d'une aide humaine, d'opter pour une expertise judiciaire. Le médecin-expert (expert judiciaire) sera alors désigné par le Tribunal et l'évaluation du dommage sera faite par le Juge, ce sont les garanties d'impartialité et de justice.

Assistance conjointe du médecin-conseil et de l'avocat de la victime :

L'expert judiciaire convoquera les parties. En général, seront présents à l'expertise : la victime, son médecin-conseil et son avocat et pour la partie adverse : le médecin-conseil de l'assurance (ou du FONDS DE GARANTIE) et son avocat. Il est recommandé que la victime ne se présente pas seule à l'expertise, elle doit être assistée de son médecin-conseil et de son avocat. Cette assistance est d'autant plus nécessaire que la victime :

  • est souvent incapable de retracer son parcours médical, le médecin-conseil lui connaît son patient, il pourra le faire avec clarté et efficacité ;
  • est souvent incapable de relater ses lésions, son devenir médical, elle est gênée d'avoir à exposer publiquement ses doléances, ses parents le sont également;
  • la victime est en général, physiquement et intellectuellement diminuée;
  • elle peut-être impressionnée de subir un examen médical devant cet aréopage de médecins et juristes, qui vont décider de son avenir. La présence d'un proche s'avère parfois nécessaire;
  • que la durée de l'expertise doit être plus longue, en général, celle-ci est de 2 heures, ce qui n'est souvent pas suffisant.
  • elle comprend difficilement le déroulement de l'expertise, le langage technique employé, ce qui la désoriente. L'enjeu de la réunion peut lui échapper et de ce fait, elle aura tendance pour ne pas trop se dévaloriser à se présenter sous son meilleur jour.

Au préalable, le médecin-conseil devra avoir examiné la victime et adresser à l'expert judiciaire son rapport médical.

De même, il est nécessaire que l'avocat de la victime soit présent lors de l'expertise médicale, pour le moins lors du dernier examen, celui de la consolidation des blessures. Cette réunion d'expertise est capitale, l'expert judiciaire donne son avis sur tous les postes de préjudices et donc aussi sur celui de la tierce personne qui est régulièrement discuté. La présence de l'avocat est essentielle au stade de l'expertise. Les médecins sont souvent embarrassés dans l'évaluation qu'ils font des besoins en tierce personne, estimant que leur rôle n'est pas d'additionner des heures, des quarts d'heure … de tierce personne. Cette évaluation est à la fois médicale et juridique.

L'avocat est donc au fait de cette évaluation :

  • Il peut rappeler, notamment, la position de la jurisprudence en la matière et notamment le fait que la famille peut faire office de tierce personne.
  • Il peut mettre l'accent sur les impératifs de sécurité qui empêchent de laisser seules certaines victimes.
  • Il peut s'opposer à l'offre de voir remplacer l'aide humaine par des aides techniques: robotique, alarme...
  • Il doit insister aussi sur l'importance de cette évaluation à la date de la consolidation et parfois avant celle-ci.
  • Il peut adresser un Dire à l'Expert judiciaire, à l'effet de lui présenter ses observations sur les points qui posent des difficultés et aussi solliciter la désignation d'un sapiteur (un technicien d'une autre spécialité).

Le médecin-conseil et l'avocat de la victime assurent ensemble, chacun dans son domaine de compétence les intérêts de leur client et discutent du dossier.

L'évaluation de la tierce personne est essentielle et ne se fera pas deux fois, Il faut donc que la victime ait toutes ses chances lors de l'examen. Certes, une contre-expertise peut être demandée, mais elle peut être refusée par le Tribunal et si elle est acceptée, c'est alors une perte de temps pour la victime, il est donc souhaitable de mettre immédiatement en œuvre tous les moyens de défense.

Qualification et durée des heures de tierce personne :

Pour la qualification des heures de tierce personne, on peut retenir l'application de la circulaire du Ministère des Affaires Sociales du 5 juin 1983, qui regroupe les actes essentiels de la vie courante à savoir :

  • l'autonomie, locomotive (se laver, se coucher, se déplacer) ;
  • l'alimentation (manger, boire).
  • Procéder à ses besoins naturels.

Les heures de tierce personne sont souvent qualifiées notamment de : nursing, heures actives, heures passives, heures médicalisées, heures non médicalisées, heures de surveillance, heures situationnelles, aides ménagères, aides administratives...

Cependant, ces qualifications peuvent encore s'élargir, car la victime, notamment les traumatisés crâniens et les traumatisés médullaires mettent souvent en danger leur propre sécurité. En conséquence, on ne peut les laisser seuls notamment la nuit. C'est donc aussi une discussion sur la sécurité, sur la qualité de la vie qu'il faut avoir avec les médecins-experts pour apprécier les besoins en aide humaine et défendre les droits légitimes des victimes.

Pour les traumatisés médullaires et les traumatisés crâniens, l'aide humaine unique est souvent rare, elle doit être assurée par plusieurs personnes et regroupe souvent plusieurs qualifications.

Par ailleurs, l'expert judiciaire va donner son avis au Tribunal sur les besoins en tierce personne dont la durée peut être évaluée :

  • en heure : 1 heure à 24 H/24,
  • en jours : 7 jours / 7
  • en année : 365 jours par an, voire 400 jours et plus.

La réparation au titre de l'aide humaine doit être globale, on ne peut pas décompter vraiment des heures, en quart d'heure en demi heure en heure.., car on le sait aucune aide à domicile n'effectue toute les tâches. De plus, cette aide à domicile ne peut se déplacer uniquement pour un quart d'heure, une demi-heure, ou toutes les deux heures… plusieurs fois dans la journée afin d'assister la victime. Ce découpage des heures est irrationnel.

Débat judiciaire : le procès

Il faut rappeler que l'expert judiciaire discute avec les parties, lors des opérations d'expertise, uniquement du besoin en tierce personne sans fixer le prix du taux horaire, cette discussion se fera par la suite devant le Tribunal. Une fois le rapport de l'expert judiciaire déposé, l'avocat de la victime va demander au Tribunal de fixer l'intégralité du dommage et notamment le poste de la tierce personne.

Il est essentiel de rappeler que la Cour de Cassation a jugé que les membres de la famille et les proches peuvent être rémunérés au titre de la tierce personne, et que son montant ne peut être réduite en cas d'assistance d'un membre de la famille.

Que de même, la Cour de Cassation a estimé qu'il n'est nullement besoin de rapporter la preuve du paiement de la tierce personne, ni des charges sociales y afférents pour obtenir le paiement de cette aide humaine.

Le taux horaire de la tierce personne :

La discussion essentielle devant le Tribunal, si l'avis de l'expert judiciaire n'est pas contesté, c'est l'évaluation du prix de la tierce personne. Le taux horaire est très variable, il est compris dans une fourchette allant de 8 € à 13 € de l'heure selon la qualification de l'aide humaine.

Cependant, il faut être prudent car les Tribunaux ont un pouvoir souverain d'appréciation pour l'évaluation du taux horaire. Ainsi, chaque juridiction peut appliquer un taux différent. Il est vrai que certaines juridictions ont retenu un taux horaire de 15 voire 16 € de l'heure, mais il s'agissait de cas d'espèces que l'on ne peut généraliser sur tout le territoire Français. Une décision exceptionnelle ne crée pas un principe.

Force est de constater que la moyenne judiciaire est cependant en dessous du prix du marché pour les victimes atteintes de dommage important et ne correspond pas à une réparation intégrale du préjudice. En effet, la moyenne horaire des prix des prestataires pour l'année 2004 pratiqués par les Associations d'aides à domicile de cinq départements est de 16,92 €/heure, à PARIS le taux horaire peut être de 20,67 € de l'heure.

Ainsi, il est certain que pour répondre au souhait de la Cour de Cassation sur la réparation intégrale du préjudice corporel, le prix du taux horaire doit être élevé au prix du marché et donc être considérablement réévalué.

Le barème de capitalisation:

Enfin, le nombre d'heures et le taux horaire retenus par le Tribunal permettent de déterminer une dépense annuelle de cette tierce personne. Ce montant annuel est capitalisé sur un taux de rente établi par différentes tables dites de « mortalité », en fonction de l'âge et du taux d'incapacité au jour de la consolidation.

Certaines juridictions retiennent le barème TD 88/90 du Trésor Public, qui est nettement plus avantageux que celui du décret du 8 août 1986. Ce barème est fondé sur une table de mortalité plus récente (celle homologuée en 1993) et sur un taux d'intérêt de 3,01% ; c'est pourquoi le 17ème Chambre de la Cour d'Appel de PARIS dans un arrêt rendu le 28 octobre 2002 l'a appliqué pour la réparation du préjudice corporel : « … C'est à tort que le Tribunal a indemnisé ce poste de préjudice au moyen du barème issu du décret du 8 août 1986 et non de celui qui ressort du barème TD 88/90 utilisé non seulement par le Trésor Public mais aussi par les assureurs eux-mêmes… »

L'objectif à atteindre : être proche de la réalité, et donc réparer intégralement les besoins en aide humaine pour les victimes, et plus encore pour celles atteintes d'un dommage important, tel les traumatisés crâniens, les traumatisés médullaires, les amputés, les brûlés, non seulement dans leur vie quotidienne, mais aussi pour assurer leur sécurité et leur dignité afin d'éviter qu'elles soient une deuxième fois victimes.

Catherine Meimon Nisenbaum
Avocat au Barreau de PARIS
Septembre 2005

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