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La notion d'aggravation dans le cadre de la réparation du dommage corporel pour les grands handicapés et les tétraplégiques


Le vieillissement des grands handicapés et notamment des tétraplégiques pose une difficulté juridique dans le cadre de la réparation du dommage corporel en cas d'aggravation des lésions.

La notion d'aggravation dans le cadre de la réparation du dommage corporel pour les grands handicapés et les tétraplégiques

3r la lettre 09/2002 - www.anmsr.asso.fr

La victime d'un dommage corporel obtient réparation de son dommage en principe devant les tribunaux ou par voie transactionnelle.

Lorsqu'un jugement est définitif et qu'il a fixé une indemnisation à une victime d'un dommage corporel, l'action de ce dernier est éteinte.

Cependant, la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 relative aux victimes d'accident de la circulation en son article 22 dispose que :

« la victime peut dans le délai prévu par l'article 2270-1 du Code Civil, demander la réparation de l'aggravation du dommage qu'elle a subi à l'assureur qui a versé l'indemnité ».

On doit relever que ce texte ne s'applique que pour les accidents corporels de la circulation routière, ce qui est regrettable, une loi devrait intervenir dans les autres cas.

Ainsi, en cas d'aggravation, la victime retrouve ses droits afin d'être indemnisée de son dommage aggravé même si un jugement définitif a déjà statué sur sa demande en indemnisation.

Cette notion d'aggravation n'est, certes, pas facile à cerner dans la mesure où elle peut recouvrir notamment :

  • une aggravation ou une diminution d'un état antérieur : l'état d'un tétraplégique peut s'améliorer pour certaines lésions et s'aggraver pour d'autres.
  • une aggravation de l'état initial.
  • une aggravation due à son vieillissement.

Cette notion d'aggravation est donc délicate à mettre en place.

On sait, que pour un tétraplégique le taux d'I.P.P peut être évalué entre 70% et 85 %. Dès lors, il n'est pas aisé de calculer une aggravation effective et significative avec des taux aussi élevés.

Mais surtout, le vieillissement devrait être pris en compte lors de l'évaluation initiale du dommage. Il est certain qu'un jeune tétraplégique est déjà une victime fragilisée qui perdra son autonomie plus rapidement.

En vieillissant ses problèmes ne vont que s'aggraver, il conviendrait d'en tenir compte, soit dans la théorie de l'aggravation, soit dans l'évaluation initiale de son préjudice, notamment en lui allouant des heures de tierce personne plus conséquentes, afin de tenir compte de ses besoins futurs.

Enfin, en application de l'article 2270-1 du Code Civil :

Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

Le tétraplégique, ne peut présenter sa demande indemnitaire en aggravation que dans un délai de dix ans, à compter de l'aggravation et doit la notifier à l'assureur qui a versé l'indemnité initiale.

La Cour de Cassation a estimé que la date de consolidation des blessures de la victime faisant courir le délai de la prescription décennale de l'article 2270-1 du Code Civil (Cass 2ème Civ.04/05/2000 n°9721-7-31- Bull Civ II n°75).

Un arrêt récent de la Cour de Cassation concernant la recevabilité de l'action d'une victime en aggravation, après l'accident a considéré que : « la prescription de l'action en réparation de l'aggravation de l'état de santé de X n'avait commencé à courir qu'à compter de la manifestation de l'aggravation » ( Cass 2ème Civ. 15/11/2001 pourvoi n°00-10-833).

Une fois encore, tout est une question de preuve, mais preuve, ô combien difficile à rapporter pour la victime gravement handicapée qui vieillira plus vite qu'une personne ne connaissant pas un tel handicap.

Il faut donc s'interroger et agir sur le phénomène du vieillissement pour garantir notamment au tétraplégique la prise en charge de la tierce personne durant toute sa vie en tenant compte de la spécificité de son handicap.

Il appartient aux avocats et aux médecins de démontrer et de soutenir ensemble que le vieillissement est à lui seul un facteur aggravant du dommage, notamment, pour l'évaluation du taux d'I.P.P. et la tierce personne.

Me Catherine MEIMON NISENBAUM
Avocat à la Cour
2002

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