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La loi relative aux droits des malades du 04/03/02


Il existe un droit des malades et il existe, également, un contrat médical. Il est intéressant d'observer comment ces deniers ont évolué

La loi relative aux droits des malades du 04/03/02

Il existe un droit des malades et il existe, également, un contrat médical. Il est intéressant d'observer comment ces deniers ont évolué.

Le 20 mai 1936 la Cour de Cassation adopte une jurisprudence qui se maintiendra pendant plusieurs années, considérant que la responsabilité médicale est de nature contractuelle et fondée uniquement sur la faute.

La Cour de Cassation jugeait alors qu'il existait un contrat médical entre le médecin et son patient, contrat qui engendrait des droits et des obligations, l'attendu principal est de suivant :

« Attendu qu'il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien, l'engagement, sinon bien évidemment, de guérir le malade, ce qui n'a d'ailleurs jamais été allégué, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, ainsi que paraît l'énoncer le moyen du pourvoi, mais consciencieux, attentifs, et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ».

Cette jurisprudence s'est maintenue retenant une obligation de moyens à la charge du médecin pendant près de trente ans. Par la suite, certaines décisions ont retenu des obligations plus lourdes notamment pour les examens de laboratoires, les chirurgiens-dentistes, la chirurgie esthétique et l'aléa thérapeutique, retenant une obligation de résultat– sécurité.

Cette jurisprudence a connu un véritable bouleversement lors de l'arrêt PERRUCHE de l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation du 17 novembre 2000 qui a reconnu à un enfant né gravement handicapé le droit de demander réparation au médecin fautif des préjudices dont il était atteint.

Dans ce cas d'espèce, un enfant conçu était atteint d'un grave handicap, sa mère avait contracté la rubéole qui n'avait pas été décelée in intero en raison d'une faute médicale. La mère n'interrompait donc pas sa grossesse, alors qu'elle avait clairement exprimé sa décision d'interrompre celle-ci en cas d'atteinte rubéolique. C'est dans ces conditions que l'enfant naissait gravement handicapé.

La Cour de Cassation en Assemblée plénière acceptait alors sa demande en réparation de son préjudice corporel à l'encontre du médecin.

Cette jurisprudence a été par la suite confortée, notamment, par l'arrêt SMATT rendu par la Cour de Cassation le 27 mars 2001, qui retenait la responsabilité sans faute du médecin considérant le seul aléa thérapeutique défini comme un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé.

Le médecin devait selon la Cour de Cassation répondre même aux conséquences de l'aléa thérapeutique, ce qui ne pouvait être accepté .

Cependant, le législateur a décidé par une loi relative aux droits des malades, du 21 février 2002 (publié au Journal Officiel le 14 mars 2002 N° L 2002-303) que l'accident thérapeutique ne peut être à la charge du médecin. Cette loi met à néant l'arrêt Perruche.

On peut regretter qu'il existe une certaine défiance à l'égard du corps médical, défiance qui n'est pas justifiée au regard du travail considérable du médecin.

Il ne saurait être question dans le cadre de cet article de commenter cette loi, qui est excessivement longue (126 articles), mais uniquement d'en exposer certains points.

Cette loi en son article 1er stipule:

« I- Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.

Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale.

Les dispositions du présent I sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation.

II – Toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale.

III – Le Conseil national consultatif des personnes handicapées est chargé, dans des conditions fixées par décret, d'évaluer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France et des personnes handicapées de nationalité française établies hors France prises en charge au titre de la solidarité nationale, et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement, visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes.

IV – Le présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna ainsi qu'à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon ».

Ainsi, un enfant handicapé ne peut plus prétendre à une action en indemnisation contre un médecin, un laboratoire ou un établissement comme cela fut le cas dans l'arrêt PERRUCHE.

Mais aussi la loi stipule que le demandeur à l'action en réparation devra établir « la faute caractérisée » de l'auteur du dommage. Cependant, la loi a instauré une obligation générale d'information qui pèse lourdement sur le médecin et qui dispose : « cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressée, cette preuve pouvant être apportée par tous moyens ». Cependant la loi dispose « seuls l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser ».

Ainsi, la charge de la preuve est renversée, c'est au professionnel ou à l'établissement de santé, donc au défendeur à l'instance de rapporter la preuve que l'obligation d'information a été respectée, et pas au demandeur à l'instance d'en faire la preuve.

Ce renversement de la charge n'est pas fondée et l'on sera confronté à un système à l'américaine.

Enfin et concernant les infections nosocomiales liées aux séjours en milieu hospitalier, la loi a consacré la jurisprudence de la Cour de Cassation et a retenu la responsabilité des établissements de soins sur le fondement de l'obligation de résultat – sécurité.

Sur les droits du malade, il peut être cité les articles suivants :

Article 16-13 du code de la santé publique « Nul ne peut faire l'objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques ».

Article L.1110-1 du code de la santé publique « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne ».

Article L.1110-2 du code de la santé publique « La personne malade a droit au respect de sa dignité ».

Article L 1100-3 du code de la santé publique « Aucune personne ne peut faire l'objet de discrimination dans l'accès à la prévention ou aux soins ».

Article L.1110-4 du code de la santé publique « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé en tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de la vie privée et du secret des informations la concernant » D'importantes dispositions on attrait au secret médical.

Article L.1110-5 du code de la santé publique « . Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort ».

Article L1112.2 du code de la santé publique « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé »

Article L.1111-4 du code de la santé publique «Aucun acte médical ni aucun traitement ne peuvent être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ».

Article 1111-7 du code de la santé publique « Sur la communication du dossier Médical, la loi stipule « toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé ………. « elle peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne …… au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans… »

Cette loi correspond aux attentes des malades qui clarifie les éléments qui constituent le contrat médical et qui a été remis en cause par l'arrêt PERRUCHE, aujourd'hui contesté par le législateur.

Elle fait référence à des valeurs éthiques qui sont essentielles. La question est de savoir si la vérité doit être systématiquement révélée au malade, car très souvent l'ignorance d'une maladie grave peut permettre une meilleure guérison.

Il fallait redonner aussi espoir aux médecins qui risquaient de subir sans raison, une jurisprudence excessive, cependant, il faut aussi leur laisser leur rôle essentiel celui de soigner et non de devenir des technocrates.

Il conviendrait de ne pas remettre en question la confiance qui doit demeurer dans le contrat médical entre médecin et son patient, et cette confiance est hélas en partie remise en cause par cette loi.

Me Catherine MEIMON NISENBAUM
Avocat à la Cour d'Appel de PARIS
2002

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