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L’indemnisation des victimes d'attentat


Les préjudices corporels des victimes françaises d'actes de terrorisme sont intégralement indemnisés, même si les dommages ont été subis à l'étranger. Explications.

L’indemnisation des victimes d'attentat

(Yanous.com - Mars 2015)

L'indemnisation des victimes d'un acte de terrorisme a été mise en place par une loi du 13 juillet 1930 et est actuellement régie par la loi du 9 septembre 1986 en son article 9 qui a mis en place une indemnisation très favorable aux victimes en prévoyant une garantie d'assurance obligatoire (interdiction d'exclure le risque terroriste) et l'indemnisation par un Fonds de garantie spécifique, le Fonds de Garantie des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI). Cette loi est applicable aux actes de terrorisme commis après le 31 décembre 1984. Sa définition de l'acte de terrorisme est identique à celle donnée par le droit pénal : "Constituent des actes de terrorisme les infractions spécifiées par la loi..., lorsqu'elles sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur."

Elle distingue les atteintes aux biens et les atteintes à la personne. Pour les atteintes aux biens, c'est l'assureur qui indemnise, et pour les atteintes à la personne, le FGTI assure la réparation intégrale des dommages résultants. Dans le cadre des indemnisations de victimes d'attentat, celles-ci bénéficient également de la Sécurité Sociale qui prend en charge à 100 % les soins médicaux suite à un attentat. La victime d'attentat âgée de moins de 21 ans ainsi que les enfants des victimes décédées peuvent être adoptées en qualité de pupille de la Nation et bénéficier du droit au soutien moral et matériel de l'Etat. Lorsque l'attentat est commis en France, cette qualité est accordée quelle que soit la nationalité. Quand il est commis à l'étranger, cette qualité n'est accordée qu'aux victimes de nationalité française. La mention "Victime du Terrorisme" sur l'acte de décès peut être demandée, il existe une exonération des droits de mutation par décès, les victimes d'attentat bénéficient de l'aide juridictionnelle totale. La procédure d'indemnisation est simple, car favorable aux victimes d'attentat.

Conditions de l'indemnisation par le FGTI.

Il faut tout d'abord justifier d'un préjudice corporel. Il suffit au demandeur de prouver une quelconque conséquence dommageable. Toutefois, si la demande est formulée par les proches de la victime, il faut faire une distinction : si la victime est décédée, ils ont droit à une indemnisation en leur qualité d'ayant droit, si la victime n'est pas décédée, les proches ne peuvent avoir une quelconque indemnisation. Il faut ensuite que le préjudice soit imputable à un acte de terrorisme. Il existe une présomption pour la victime. En cas de contestation, il appartient au FGTI d'établir que le dommage corporel subi n'a aucun lien avec un attentat. Toute victime ayant la nationalité française peut prétendre à une prise en charge par le FGTI, peu importe le lieu de commission de l'acte. Ainsi, si l'acte a été réalisé à l'étranger et la victime est française, elle sera indemnisée. Cependant, la condition de nationalité importe peu pour l'indemnisation des ayants droit. Ces derniers seront indemnisés même s'ils sont étrangers à la condition que la victime décédée soit française.

Procédure à suivre.

L'indemnisation est plutôt rapide. Le législateur s'est d'ailleurs beaucoup inspiré de la loi Badinter du 5 juillet 1985. L'instruction des demandes d'indemnisation et le versement des indemnités incombent exclusivement au FGTI.

Saisine : La loi stipule que : "Dès la survenance d'un acte de terrorisme, le Procureur de la République ou l'autorité diplomatique ou consulaire compétente informe sans délai le Fonds de Garantie des circonstances de l'évènement et de l'identité des victimes. En outre, toute personne qui s'estime victime d'un acte de terrorisme peut saisir directement le Fonds de Garantie. Le Fonds de Garantie assiste les victimes dans la constitution de leur dossier d'indemnisation." Le Fonds est donc saisi par le Procureur de la République, ou l'autorité diplomatique ou consulaire en cas d'attentat à l'étranger, qui lui communique l'identité des victimes. C'est donc une sorte d'auto-saisine du Fonds qui se charge ensuite de contacter les victimes. Sinon, la victime elle-même peut saisir le FGTI. La demande doit être faite par lettre Recommandée avec Accusé de Réception, et indiquer l'état civil complet avec carte d'identité, la date et le lieu de l'attentat ou de la prise d'otage, annexer le rapport de police, les témoignages ou l'attestation du Consulat de France, annexer les pièces médicales, annexer les éléments relatifs à la Sécurité Sociale et mutuelle (créance), préciser s'il s'agit d'un accident du travail, annexer les pièces relatives aux pertes de gains professionnels et justificatifs des frais engagés et préjudices subis, joindre un Relevé d'Identité Bancaire. La demande peut être déposée immédiatement et au plus tard 10 ans après les faits.

Traitement de la demande : Avant même de statuer définitivement sur la demande d'indemnisation, le FGTI est tenu de verser une provision au demandeur (victime ou ayant droit) dans un délai d'un mois à compter de la demande. Le versement de la provision intervient en général de façon automatique mais une saisine du juge des référés est possible. Un examen médical peut être demandé par le FGTI.

Offre d'indemnisation : Dans le délai de 3 mois à partir du jour où le FGTI a reçu la justification des préjudices invoqués, le FGTI doit faire une offre d'indemnisation à la victime. Le non-respect du délai ouvre droit à des dommages et intérêts moratoires au profit de la victime sur saisine du juge compétent. Le FGTI doit faire une offre d'indemnisation en tenant compte de tous les chefs de préjudice, économiques ou non économiques.

Règlement du dommage corporel : La victime n'a aucun délai pour accepter l'offre. Elle dispose d'une période de réflexion lui permettant d'apprécier l'offre faite. Une fois l'accord transactionnel signé par les deux parties, le FGTI dispose de 45 jours à compter de l'acceptation de l'offre pour verser le montant convenu. Le FGTI est ensuite subrogé dans les droits de la victime, ce qui lui permet ensuite de recouvrer tout ou partie de l'indemnité versée auprès du responsable des dommages. La réouverture du dossier en aggravation des dommages est toujours possible.

Si la transaction entre le FGTI et la victime échoue, la victime peut toujours faire un recours gracieux auprès du Fonds mais ce n'est pas une obligation. L'affaire peut directement être portée au contentieux et le juge civil devra statuer sur le montant des dommages et intérêts dus à la victime. C'est le Tribunal de Grande Instance qu'il convient de saisir. La victime dispose toujours d'un délai de rétractation de 15 jours à compter de l'acceptation de l'offre. Il convient d'indiquer que l'indemnisation n'est pas automatique, car la faute de la victime peut réduire voire exclure son droit à indemnisation. Cependant, la Jurisprudence est très rare en la matière, les règlements des dommages s'effectuant le plus souvent par le FGTI et ce, notamment, parce qu'il y a une dimension politique.

Il existe à l'étranger des fonds quelque peu similaires. Aux Etats-Unis, en réaction aux attentats du 11 septembre 2001, le législateur a créé le Federal Victim Compensation Fund, financé par les fonds publics. Ainsi le règlement des dommages s'effectue, hors tribunal, par ce fonds. En Espagne, le système d'indemnisation est similaire, mais plus ancien, instauré en 1954. Le texte a été refondu en 2011 : il existe des indemnités forfaitaires variant de 75.000 à 500.000€ en cas de décès ou d'incapacité permanente. En Italie, il existe des prestations forfaitaires en fonction du degré d'incapacité ou du décès de la victime. L'Etat accorde une rente annuelle de 2.000€ par point d'incapacité dans la limité d'un montant de 200.000€. Au Royaume-Uni, un pool d'assureurs qui bénéficient d'une garantie étatique illimitée a été institué. Les victimes d'attentat sont indemnisées dans les mêmes conditions que les victimes d'infractions violentes de droit commun. Il n'y a donc pas de spécificité de la prise en charge des victimes d'attentat.

Catherine Meimon Nisenbaum,

avocate à la Cour,

mars 2015.

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