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La tierce personne : une indemnité due aux personnes handicapées


Dans le cadre de la réparation corporelle, la personne handicapée sollicite de plus en plus souvent des Tribunaux une indemnité au titre de la tierce personne et le nombre de demandeurs ne cesse de croître.

La tierce personne : une indemnité due aux personnes handicapées

Mnh - n°129 - 2000 - www.mnh.fr

Dans le cadre de la réparation corporelle, la personne handicapée sollicite de plus en plus souvent des Tribunaux une indemnité au titre de la tierce personne et le nombre de demandeurs ne cesse de croître.

Indemnisation pour assumer les besoins de la vie quotidienne représente des condamnations très importantes d'où l'intérêt de savoir utiliser ce chef de réparation qui devient un des postes de préjudice le plus élevé financièrement et qui détermine la vie quotidienne de la personne handicapée.

Procès ou transaction amiable

Il faut savoir que cette indemnité peut être allouée par les Tribunaux dans le cadre d'un procès ou à l'amiable dans le cadre d'une transaction et concerne les personnes handicapées victimes, notamment :

  • d'un accident de la circulation (application de la loi Badinter n°85-677 du 05 juillet 1985).
  • d'une infraction (application des articles 706-3 à 706-15 et R 50-1 à R 50-28 du Code de Procédure Pénale qui régissent la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions « C.I.V.I ».
  • d'une faute, d'une inobservation à un devoir de conseil ou d'un manquement à une obligation de sécurité en matière médicale. (application de la loi du contrat en matière judiciaire et également administrative pour les hôpitaux).

A chaque fois que la victime ne peut plus assumer seule de manière partielle ou totale les actes et gestes de sa vie quotidienne et ce, suite à un accident, cette indemnité au titre de la tierce personne est allouée en fonction du préjudice à réparer.

Le Ministère des Affaires Sociales a donné dans une circulaire du 5 juin 1983, une définition de la tierce personne qui regroupe les actes essentiels de la vie courante à savoir :

  • l'autonomie locomotive (se laver, se coucher, se déplacer,
  • l'alimentation (manger, boire),
  • Procéder à ses besoins naturels.

La Cour de Cassation, quant à elle, retient à dire d'expert, la tierce personne de manière très large, puisqu'elle estime, à juste raison, que la victime a le droit à la réparation intégrale de son préjudice.

De plus en plus de personnes indemnisées

En fait avec les progrès de la Science, la tierce personne devient de plus en plus d'actualité car les victimes qui, hier décédaient sont maintenant «sauvées» mais peuvent rester atteintes de séquelles graves, et ces victimes ont besoin d'être assistées dans leur vie quotidienne.

Les personnes atteintes d'un traumatisme crânien en sont l'exemple type. En effet, les traumatisés crâniens modérés ou graves ont besoin de l'assistance d'une tierce personne et ce poste d'indemnisation doit être examiné avec une très grande attention. Les victimes ont droit à la réparation intégrale de leur préjudice et la tierce personne fait partie intégrante de ce droit.

Il convient de rappeler l'évolution de la jurisprudence de la Cour de Cassation, en ce qui concerne la notion de l'aide familiale. Cette Cour avait initialement estimé dans le cas d'une aide familiale que l'indemnité au titre de la tierce personne n'était pas due, cet avis est encore hélas couramment répandu. Heureusement, la Cour de Cassation n'a pas confirmé cette jurisprudence, au fils des années, elle donne toujours et encore plus de droit aux victimes.

L'attendu le plus couramment utilisé par la Cour est le suivant : « qu'une indemnité due au titre de l'assistance de tierces personnes à domicile pour les gestes de la vie quotidienne ne saurait être réduite en cas d'assistance familiale. »

Dans le même ordre d'idée la Cour, par arrêt du 19 mars 1997, a considéré que les soins prodigués par un membre de la famille - en l'espèce le conjoint à la victime - pouvaient donner lieu à une rémunération égale à celle d'une tierce personne. Et encore la Cour a jugé également que l'assistance d'une tierce personne «ne peut être subordonnée à la production de justifications des dépenses effectives ».

Ce qui signifie en clair que quand bien même un Expert Judiciaire fixerait l'allocation d'une tierce personne à compter de la date de consolidation des blessures à 8 heures par jour par exemple, la victime sera en droit d'en obtenir le paiement à l'encontre du responsable ou du Fonds de Garantie. Elle n'aura pas à rapporter la preuve devant les Tribunaux du règlement d'un salarié ou de l'existence des dépenses engagées.

Des sommes importantes en jeu.

L'indemnité de la tierce personne est généralement calculée par les Tribunaux sur les bases suivantes :

  • 7,62 € (50 F) à 9,91 € (65 F) à l'heure de présence active (vigilante et attentive) ;
  • 5,34 € (35 F) à 6,86 € (45 F) l'heure de présence passive et non spécialisée,

et sur 400 jours par année (365 jours pour le titulaire du poste, lequel a droit à son salaire et à ses congés payés et 35 jours, soit environ 1/10 pour le salaire de la personne chargée de remplacer le titulaire du poste pendant sa période de congés payés). Ce mode de calcul s'explique car la personne handicapée a besoin de l'aide d'une tierce personne parfois tous les jours de l'année 7 jours/7.

On détermine, par la suite, la dépense annuelle, laquelle est capitalisée en multipliant la valeur du franc de rente viagère pour le sexe masculin ou féminin à l'âge de la victime.

Les tables viagères les plus utilisées par les Tribunaux sont celles du décret n°86-973 du 8 août 1986.

En cas d'accident : quel montant d'indemnisation ?

A titre d'exemple :

  • Supposant que le Juge estime qu'une personne de sexe masculin âgé de 25 ans, reste atteinte d'une incapacité partielle définitive donnant droit au titre de la tierce personne à 5 h de présence active et 3 h de présence passive tous les jours de l'année, le coût de la tierce personne s'élèverait à 35.8773,52 € (2.353.400,02 F), soit

Dépense journalière :

  • 5h à 9,15 € (60,02 F) = 45,73 € (299,97 F) + (3 h à 6,10 € (40,01 F) = 18,29 € (119,97 F) = 64,03 € (420,01 F)

Dépense annuelle :

  • Pour le titulaire du poste :64,03 € (420,01 F) x 365 j. = 23.370,43 € (153.299,97 F)
  • Pour le remplacement durant la période de congés payés :23.370,43 € (153.299,97 F) x1/10   = 2.337,04 € (15.329,98 F)
  • Total annuel :     25.707,47 € (168.629,95 F).

Dépense capitalisée :

On notera qu'à la table viagère de capitalisation pour une personne de sexe masculin âgé de 25 ans, figurant au décret du 8 août 1986, est de 13,956.

L'indemnisation de ce chef de préjudice s'élèvera donc à :

  • 25.707,48 € (168.630,01 F) x 13,956 = 358.773,52 € (2.353.400,02 F).

Il convient d'évoquer l'article L-241-10 du Code de la Sécurité Sociale.

Certaines personnes handicapées ne pouvant pas bénéficier de la tierce personne à domicile sont contraintes de recourir à un placement dans des maisons spécialisées qui relèvent ou non du régime de la Sécurité Sociale également le problème des charges patronales. D'une manière générale les Tribunaux refusent de tenir compte en sus de la condamnation au paiement des charges patronales aux motifs que les personnes handicapées sont exonérées de celles-ci en application Sociale.

Le prix de la journée varie suivant les Etablissements de 76,22 € (499,97 F). à 304,90 € (2000,01 F), ce qui représente pour une victime âgée de 25 ans un capital pouvant varier entre 388.283,07 € (2.546.969,98 F). et 155.3132,29 € (1.0187.879,98 F).

On peut également obtenir des provisions au titre de la tierce personne et frais d'hébergement devant le Président du Tribunal de Grande Instance compétent, statuant en la forme des référés.

C'est dire l'importance des intérêts en jeu, des lors que l'on peut comprendre qu'en général de telles sommes ne peuvent s'obtenir amiablement sans le concours et l'aide d'un avocat spécialisé en la matière.

Il faut garder à l'esprit, que seule la réparation à un taux élevé de ce chef de préjudice, contribue d'une manière non négligeable à garantir à une personne handicapée une bonne qualité de vie.

Me Catherine MEIMON NISENBAUM
Avocat à la Cour d'Appel de PARIS
2000

PS: En 2003, certaines juridictions allouent la somme de 12,86 Euros pour 1 heure de présence active et 11 euros pour 1 heure de présence passive. Cependant, il ne faut pas généraliser ces décisions, car elles correspondent à la jurisprudence de certaines juridictions; Il n'existe pas de taux horaire imposé en matière juridictionnelle ainsi des juridictions peuvent allouer un taux horaire plus bas, et aussi plus élevé. Certaines juridictions appliquent le barème TD 88/90 qui est nettement plus favorable pour la victime que l'application du décret n°86-973 du 8 août 1986. Il est essentiel que ces avancées jurisprudentielles soient défendues.

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